•  

     

    Entre dans mon royaume, envahis mon empire.

    La grande salle a des colonnes de porphyre...

    Nous y célébrerons les lumineux festins

    Et nous réjouirons avec les morts hautains

                Et les mortes charmantes.

     

    Les princesses et les reines et les amantes,

    Paradant et riant comme en leurs plus beaux jours,

    Revêtiront pour nous leurs glorieux atours.

    Regarde, les voici, très grandes, très sereines,

                Celles qui furent Reines.

     

    Le long cortège des sibylles et des rois

    Se déroule, portant la pourpre d'autrefois.

    N'as-tu point reconnu, fantômes sous la lune,

    Rosemonde très blonde, Anne Boleyn très brune

                Et Bess aux cheveux roux?

     

    Vois, devant ton regard orgueilleusement doux,

    Passer, chantant, pleurant ou riant, toutes celles

    Qui régnèrent, que l'on aima, qui furent belles.

    Les fontaines ont des flammes parmi leurs jets

                Pour charmer tes sujets.

     

    Un grand prêtre ceindra ton front d'une couronne.

    Devant cette assemblée illustre, entends: j'ordonne

    Qu'ici tout, désormais, te demeure soumis,

    Que tes vœux soient mes vœux, mes amis tes amis,

                O volonté royale!

     

    Franchis le seuil de cette ancienne cathédrale

    Que j'ai bâtie avec mes songes dans le soir.

    On a paré la nef pour mieux te recevoir.

    Entre, sous le plafond semblable au creux d'un dôme,

                Reine dans mon royaume.

     

     

    Renée VIVIEN - Sillages - 1908


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  •  

     

    Entre dans ma demeure, envahis mon espace...

    Pas de palais, c'est toi qui fus reine jadis...

    Est-ce de là que tu as pris goût pour les lys?

    A côté de moi, tu retrouveras ta place.

     

    Et nous pourrons alors imaginer ensemble,

    Un antique temple peuplé de Caryatides,

    Les somptueuses maisons de l'ancienne Atlantide,

    Huttes d'Amazonie, tout ce que bon nous semble.

     

    Nos amies seront là, pour notre grands plaisirs,

    L'Amour se répandra dans les âmes, les cœurs,

    Nous aurons l'impression de flotter de bonheur...

    Un grand prêtre ceindra nos fronts pour nous unir

     

    De couronnes que nous aurons tressées nous-même.

    Alors, tout doucement, tu me prendras les mains

    Et tes yeux dans les miens, j'entendrai donc enfin

    Ta si charmante voix me dire que tu m'aimes...

     

    Viens dans ma chambre et, là, nous construirons en rêves

    Un lieu, remplit de fleurs, où nous serons sereines,

    Où nous pourrons rendre un hommage à notre reine

    Respective, jusqu'à ce que le jour se lève.

     

    L.


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    Tu viendras, les yeux pleins du soir et de l'hier...

    Et ce sera par un beau couchant sur la mer.

     

    Frêle comme un berceau posé sur les flots lisses,

    Notre barque sera pleine d'ambre et d'épices.

     

    Les vents s'inclineront, soumis à mon vouloir.

    Je te dirai: "La mer nous appartient, ce soir."

     

    Tes doigts ressembleront aux longs doigts des noyées.

    Nous irons au hasard, les voiles déployées.

     

    Levant tes yeux surpris, tu me demanderas:

    "Dans quel lit inconnu dormirai-je en tes bras?"

     

    Des oiseaux chanteront, cachés parmi les voiles.

    Nous verrons se lever les premières étoiles.

     

    Tu me diras: "Les flots se courbent sous ma main...

    Et quel est ce pays où nous vivrons demain?"

     

    Mais je te répondrai: "L'onde nocturne est blême,

    Et nous sommes encor loin de l'île que j'aime.

     

    "Ferme tes yeux lassés par le voyage et dors

    Comme en ta chambre close aux rumeurs du dehors...

     

    "Telle, dans un verger, une femme qui chante,

    Le bonheur nous attend dans cette île odorante.

     

    "Couvre ta face pâle avec tes cheveux roux.

    L'heure est calme et la paix de la mer est sur nous.

     

    "Ne t'inquiète point... Je suis accoutumée

    Aux risques de la mer et des vents, Bien-Aimée..."

     

    Sous la protection du croissant argentin,

    Tu dormiras jusqu'à l'approche du matin.

     

    Les plages traceront au loin la grise marge

    De leurs sables... Tes yeux s'ouvriront sur le large.

                           

    Tu m'interrogeras, non sans un peu d'effroi.

    Des chants mystérieux parviendront jusqu'à toi...

     

    Tu me diras, avec des rougeurs ingénues:

    "Rien n'est aussi troublant que ces voix inconnues.

     

    "Leur souffle harmonieux évente mon front las:

    Mais l'aube est sombre encore et je ne comprends pas.

     

    "Notre mauvais destin saura-t-il nous rejoindre

    Au fond de ce matin craintif que je vois poindre?"

     

    Je te dirai, fermant tes lèvres d'un baiser:

    "Le bonheur est là-bas... Car il faut tout oser...

     

    "Là-bas, nous entendrons la suprême musique...

    Et, vois, nous abordons à l'île chimérique..."

     

     

    Renée VIVIEN - A l'Heure des Mains jointes - 1906 


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  •  

     

    Par un beau couchant, nous avons quitté la grève

    Pour voguer toutes deux vers notre île de rêves.

     

    Accompagnant un moment notre frêle esquif,

    Les mouettes alentour poussaient leurs cris plaintifs.

     

    Le ciel s'illuminait d'étoiles par milliers

    Et la brise drainait des parfums familiers.

     

    La lune ouvrait pour nous un chemin de lumière

    Qu'elle avait, en amie, déposé sur la mer.

     

    Ainsi protégées, il ne nous importait point

    Que ce voyage fut si long: nous étions bien...

     

    Une seule question me semblait essentielle:

    "Dans quel lit dormirai-je en tes bras, ma très Belle?"

     

    Alors, tu as fermé mes lèvres d'un baiser.

    Seules, loin de ce monde, avons-nous tout osé...?

     

    Nulle autre ne saura, dessous le firmament,

    Combien nous nous sommes aimées infiniment...

     

    Sous les délicates caresses de tes mains,

    Je me suis assoupie dans le petit matin.

     

    Ta voix douce m'a sortie du sommeil, sans peine,

    Et j'ai cru entendre le chant d'une sirène.

     

    "Réveille-toi, voici notre île merveilleuse",

    M'as-tu dit tendrement... "Nous y serons heureuses..."

     

    Tes yeux resplendissaient d'espérance et de joie.

    Heureuse, je l'étais rien que d'être avec toi.

     

    Enfin, nous avions rejoint l'île de nos cœurs...

    Demain, nous y retrouverons notre bonheur.

     

    L.


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  •  

     

     

    B

    Un matin nous irons ensemble à Mytilène.

     

    A

    J'attends ce jour avec une grande impatience.

     

    B

    Moi-même attends ce jour merveilleux quand j'y pense.

     

    A

    Si longtemps j'ai rêvé qu'enfin tu m'y emmènes.

     

     

    B

    Je viendrai te chercher, tu me prendras la main.

     

    A

    Et je pourrai revoir ton visage et tes yeux...

     

    B

    Et entendre ma voix autant que tu le veux.

     

    A

    Oh, comme je voudrais que ce jour soit demain!

     

     

    B

    Ce jour viendra, ne sois pas inquiète.

     

    A

    J'ai tellement envie, tu sais, d'être avec toi.

     

    B

    Je ressens cette même envie au fond de moi.

     

    A

    Alors viens quand tu veux, je t'attends, je suis prête.

     

     

    B

    Notre avenir sera divin, je te promets.

     

    A

    Oui, nous serons ensemble pour l'éternité...

     

    B

    Et rien ne pourra plus jamais nous séparer.

     

    A

    Non, rien ne pourra nous séparer désormais.

     

     

    B

    Saches qu'un jour futur notre Amour sera libre.

     

    A

    Ce sera pour nous deux le comble du bonheur.

     

    B

    Je me surprends parfois à décompter les heures.

     

    A

    J'aimerais tant pouvoir dès à présent te suivre,

     

     

    A

    Te rejoindre et restée près de toi pour toujours.

     

    B

    Tu le sais bien, c'est aussi mon plus cher désir.

     

    A

    Et nous avons tant de choses à nous offrir.

     

    B

    Nous nous retrouverons très bientôt mon Amour.

     

     

    Renée Vivien et L -Ma Muse m'amuse - 2000


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