•  

     

    Sachant que je ne vois vraiment rien dans le noir,

    Tu me prêtes tes yeux gentiment vers le soir.

     

    Tu me prêtes tes yeux pour que je vois plus clair,

    Pour m'aider à rentrer chez moi les soirs d'hiver.

     

    Tout comme si tes yeux me servaient de miroir

    Je peux m'y retrouver et je peux tout y voir.

     

    Quand tes yeux dans les miens, l'émotion nous désarme,

    Chacune d'entre nous y voit poindre une larme.

     

    Et comme tu as toujours su ce que je veux,

    Tu me laisses souvent voyager dans tes yeux.

     

    Je revis, par tes yeux, nos souvenirs d'antan:

    Je retrouve, en tes yeux, de splendides couchants,

     

    J'y ai revu des fleurs si belles, magnifiques,

    Et des paysages de notre Grèce antique,

     

    Et parmi les couleurs, ce violet très pur

    Que nous aimons tant et dont tu repeins les murs.

     

    Avant de pouvoir te rejoindre dans les cieux,

    Je te remercie pour l'offrande de tes yeux.

     

    Dans le reflet des miens, je voudrais en retour

    Que tu y vois celle à qui va tout mon amour.

     

    L.


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    Nul flot ne bouge, nul rameau ne se balance...

    Le gris se fait plus gris, le noir se fait plus noir,

    Et le chant des oiseaux ne vaut pas le silence...

    Où donc irai-je, avec mon cœur, par ce beau soir?

     

    Dans le ciel du couchant triomphal, les nuages

    Roulent, lourds et dorés comme des chariots...

    Je suis lasse des jours, des voix et des visages

    Et des pleurs refoulés et des muets sanglots...

     

    Toi qui ressembles aux royales amoureuses,

    Revis auprès de moi les bonheurs effacés...

    A l'avenir chargé de ses roses fiévreuses

    Je préfère la pourpre et l'or des temps passés...

     

    Soyons lentes, parmi les choses trop hâtives...

    Il ne faut rien chercher... Il ne faut rien vouloir...

    Allons en pleine mer, sans aborder aux rives...

    Me suivras-tu, vers l'infini, par ce beau soir?...

     

     

    Renée VIVIEN -A l'Heure des Mains jointes - 1906


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  •  

     

    Les yeux fermés, je te suivrai où tu voudras.

    Au bout de l'infini, laissons-nous dériver...

    La mer est calme et je suis si bien dans tes bras...

    Contemplons du soleil le splendide couché.

     

    La nuit vient doucement, étend sur nous son voile.

    Contre toi tu me tiens, me protégeant du froid.

    Dessous le ciel clément et ses milliers d'étoiles

    Tu me rappelleras nos divins autrefois.

     

    Dès lors nos larmes ont fait place à la tendresse.

    Je garde en moi l'espoir que ce nouveau bonheur

    Nous fera oublier nos anciennes détresses.

    N'écoutons plus, veux-tu, que la voix de nos cœurs...

     

    Toi, qui m'a réappris à savourer l'instant,

    Ma douce, à qui je dois mes plus beaux souvenirs,

    Sans nous précipiter, goûtons donc au présent

    Qui nous prédit demain un si bel avenir.

     

    L.


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    Ma Douce, nous étions comme deux exilées,

    Et nous portions en nous nos âmes désolées.

     

    L'air de l'aurore était plus lancinant qu'un mal...

    Nul ne savait parler le langage natal...

     

    Alors que nous errions parmi les étrangères,

    Les odeurs du matin ne semblaient plus légères.

     

    ... Lorsque tu te levas sur moi, tel un espoir,

    Ta robe triste était de la couleur du soir.

     

    Voyant tomber la nuit, nous nous sommes assises,

    Pour sentir la fraîcheur amicale des brises.

     

    Puisque nous n'étions plus seule dans l'univers,

    Nous goûtions avec plus de langueur les beaux vers.

     

    Chère, nous hésitions, sans oser croire encore,

    Et je te dis: "Le soir est plus beau que l'aurore."

     

    Tu me donnas ton front, tu me donnas tes mains,

    Et je ne craignis plus les mauvais lendemains.

     

    Les couleurs éteignaient leur splendide insolence;

    Nulle voix ne venait troubler notre silence...

     

    J'oubliai les maisons et leur mauvais accueil...

    Le couchant empourprait mes vêtements de deuil.

     

    Et je te dis, fermant tes paupières mi-closes:

    "Les violettes sont plus belles que les roses."

     

    Les ténèbres gagnaient l'horizon, flot à flot...

    Ce fut autour de nous l'harmonieux sanglot...

     

    Une langueur noyait la cité forte et rude,

    Nous savourions ainsi l'heure en sa plénitude.

     

    La mort lente effaçait la lumière et le bruit...

    Je connus le visage auguste de la nuit.

     

    Et tu laissas glisser à tes pieds nus tes voiles...

    Ton corps m'apparut, plus noble sous les étoiles. 

     

    C'était l'apaisement, le repos, le retour...

    Et je te dis: "Voici le comble de l'amour..." 

     

    Jadis, portant en nous nos âmes désolées,

    Ma Douce, nous étions comme deux exilées... 

     

     

                                Renée VIVIEN - A l'Heure des Mains jointes - 1906

     


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    Pauline avant que de nous être retrouvées

    Nous étions, toi et moi, comme deux exilées.

     

    Quand nous avons commencé notre promenade

    L'aube teintait le ciel de ces couleurs blafardes.

     

    Nous marchions côte à côte dans un beau jardin

    Et les fleurs exhalaient pour nous leurs doux parfums.

     

    Puis d'un commun accord, dans la légère brise,

    Silencieusement, nous nous sommes assises.

     

    Et tandis que tes yeux se perdaient dans le miens,

    Je t'ai, sans plus attendre, abandonné mes mains.

     

    De ta voix si douce, tu me parlais des fleurs

    Et nous en oublions nos anciennes douleurs.

     

    Sans que nous ayons pu nous en apercevoir,

    La nuit était déjà sur nous, il faisait noir.

     

    Le soir est plus beau que l'aurore, m'as-tu dis,

    Et le monde s'emplit pour nous de poésie.

     

    A genoux, devant moi, tu restais sans bouger...

    Quand ma robe a glissée pour toi jusqu'à mes pieds...

     

    Chaque fois que nous avons été séparées,

    Nous allions, toi et moi, comme deux exilées.

     

    L.


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