•  

     

    Dans l'avenir gris comme une aube incertaine,

    Quelqu'un, je le crois, se souviendra de nous,

    En voyant brûler sur l'ambre de la plaine

                L'automne aux yeux roux.

     

    Un être parmi les êtres de la terre,

    O ma Volupté! se souviendra de nous,

    Une femme, ayant à son front le mystère

                Violent et doux.

     

    Elle chérira l'embrun léger qui fume

    Et les oliviers aussi beaux que la mer,

    La fleur de la neige et la fleur de l'écume,

                Le soir et l'hiver.

     

    Attristant d'adieux les rives et les berges,

    Sous les gravités d'un soleil obscurci,

    Elle connaîtra l'amour sacré des vierges,

                Atthis, mon Souci.

     

     

    Renée Vivien - La Vénus des Aveugles - 1903


    votre commentaire
  •  

     

    "Quelqu'un se souviendra de nous dans l'avenir".

    A travers les siècles, nous l'avons soutenu,

    Car nous savions déjà qu'une belle inconnue

    Dans le futur, vivrait dans notre souvenir.

     

    Amoureuse vraiment autant que nous des femmes,

    Elle retrouvera, au fin fond du passé,

    Toutes les traces que nous y avons laissées

    De notre Amour, de la communion de nos âmes,

     

    De ces clins d'œil complices que nous nous faisions

    L'une à l'autre depuis deux mille six cents ans,

    Si ce n'est plus, et de nos mille et un printemps,

    De nos écrits dédicacés, de nos fusions...

     

    Quelqu'un dans l'avenir se souviendra de nous

    Comme nous nous en sommes souvenu nous même,

    A travers les temps, nous adressant nos je t'aime

    Dans l'attente de notre prochain rendez-vous.

     

    L.


    votre commentaire
  •  

     

    Elle vient de disparaître et l'aube se lève,

    Je la laisse partir à regret... fuite brève.

     

    Je sais que je ne dois jamais la retenir

    Mais qu'elle reviendra dans un proche avenir.

     

    Comblée par sa tendresse, je ferme mes yeux

    Pour prolonger ce rêve encore un petit peu...

     

    Une rose, qui ne peut me venir que d'elle,

    D'une extrême beauté, vient de tomber du ciel...

     

    Que je sois aimée de cette femme adorable

    Me parait, je l'avoue, bien des fois incroyable.

     

    Très confiante pourtant, j'ai douté tant de fois,

    J'ai eu si peur aussi que ce ne soit pas toi.

     

    J'ai douté, c'est bien vrai, jusqu'à ce fameux soir

    Où tu m'as éblouis de ton amour, d'espoir.

     

    Comme les autres soirs, tu étais dans mon lit

    Allongée contre moi, dans mes bras, pour la nuit.

     

    J'étais bien près de toi, je m'endormais sereine,

    Quand j'ai entendu ta voix douce de sirène.

     

    Ta voix très féminine était celle d'un ange,

    Et rien de tout cela ne me paru étrange.

     

    Alors et tout baigné d'un halot lumineux,

    Ton corps m'est apparu, bleuâtre sous mes yeux.

     

    Entre ma joie immense et ma grande émotion,

    Je crois bien que j'ai dû balbutier ton prénom.

     

    Dans l'accentuation de nos attouchements

    Mes lèvres cherchaient les tiennes infiniment.

     

    J'étais illuminée, mais tu étais bien là

    Devant moi et vraiment, non! je ne rêvais pas.

     

    Non! Je ne rêvais pas, ce fut bien mieux qu'un rêve

    Qui a duré jusqu'à ce que le jour se lève.

     

    Comme les autres soirs, elle était arrivée

    Les bras chargés de fleurs d'une grande beauté.

     

    Je ne me doutais pas un instant, ô surprise,

    Qu'elle revienne ainsi et se matérialise.

     

    O mon amour, merci de ton si beau cadeau,

    Si seulement je pouvais t'en faire un là-haut!...

     

    L.


    votre commentaire
  •  

     

    Une princesse attend, dans un cachot sans jour.

    Elle expie on ne sait quel criminel amour.

     

    On sait uniquement qu'elle est prédestinée.

    Elle est belle... Elle est jeune... Elle est l'Infortunée.

     

    Cependant le malheur n'a point courbé son front.

    La nuit se fait... Bientôt les bourreaux entreront.

     

    Elle n'écoute pas alors que le glas pleure,

    Elle sait pourtant qu'ils entreront tout à l'heure.

     

    Elle se voilera de ses profonds cheveux

    Et les bourreaux diront simplement: Je le veux.

     

    Mais elle, détournant ses regards et sa bouche,

    Demeurera, sous leurs baisers, calme et farouche.

     

    L'amour et les tourments la briseront en vain.

    Elle mourra, dans la hauteur de son dédain.

     

    Elle fut la puissante et la plus adorée

    Et nul ne pleurera sur sa tombe ignorée.

     

    On l'ensevelira dans la nuit. En tremblant,

    Une femme mettra sur son cœur un lys blanc.

     

    Renée VIVIEN - Sillages - 1908 


    votre commentaire
  •  

     

    Leur joug pesant sur nous depuis la nuit des temps,

    Nous subissons des hommes leurs harcèlements.

    Combien de femmes sont encore assassinées

    Pour avoir seulement osé montrer leurs nez?

     

    Violées, torturées dans nos âmes et nos corps,

    Pour combien de temps nous laisserons nous encore

    Humiliées, malmenées par toutes leurs bassesses?

    Réveillez-vous, il est grand temps que cela cesse!

     

    Et je prie, à l'aube de ce siècle nouveau,

    Pour que Dieu nous entende et nous aide là-haut

    A faire disparaître enfin de cette terre

    Toutes ces atrocités qui nous désespèrent.

     

    Nous, nous, qui avons eu des hommes une overdose,

    Qui sommes écœurées, pensons à d'autres choses,

    Elevons nos esprits, oublions ces horreurs,

    Retrouvons, entre nous, un monde de douceur.

     

    Et toi, qui as pour moi tellement de tendresse,

    D'attentions charmantes, de si douces caresses,

    Dis! la prochaine fois Pauline que je meurs,

    Reviendras-tu poser un lys blanc sur mon cœur?

     

    L.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique