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Par LLA le 20 Juin 2014 à 11:28
Vous pour qui j'écrivis, ô belles jeunes femmes!
Vous que, seules, j'aimais, relirez-vous mes vers
Par les futurs matins neigeant sur l'univers,
Et par les soirs futurs de roses et de flammes?
Songerez-vous, parmi le désordre charmant
De vos cheveux épars, de vos robes défaites:
"Cette femme, à travers les sanglots et les fêtes,
A porté ses regards et ses lèvres d'amants."
Pâles et respirant votre chair embaumée,
Dans l'évocation magique de la nuit,
Direz-vous: " Cette femme eut l'ardeur qui me fuit...
Que n'est-elle vivante! Elle m'aurait aimée..."
Renée Vivien
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Par LLA le 20 Juin 2014 à 11:29
Non! par les soirs futurs de roses et de flammes,
Mystérieux ainsi que les temples hindous,
Nul ne saura mon nom et nulle d'entre vous
Ne redira mes vers, ô belles jeunes femmes!
Nulle de vous n'aura le caprice charmant
De regretter l'amour d'une impossible amie,
Et d'appeler tout bas, désireuse et blêmie,
L'impérieux baiser de mes lèvres d'amant.
Vous chercherez l'amour, fraîches et parfumées,
Tournant vers l'avenir vos pas irrésolus,
Et nulle d'entre vous ne se souviendra plus
De moi, qui vous aurais si gravement aimées...
Renée Vivien
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Par LLA le 20 Juin 2014 à 11:31
Pendant longtemps, je fus clouée au pilori,
Et des femmes, voyant que je souffrais, ont ri.
Puis, des hommes ont pris dans leurs mains une boue
Qui vint éclabousser mes tempes et ma joue.
Les pleurs montaient en moi, houleux comme des flots,
Mais mon orgueil me fit refouler mes sanglots.
Je les voyais ainsi, comme à travers un songe
Affreux et dont l'horreur s'irrite et se prolonge.
La place était publique et tous étaient venus,
Et les femmes jetaient des rires ingénus.
Ils se lançaient des fruits avec des chansons folles,
Et le vent m'apportait le bruit de leurs paroles.
J'ai senti la colère et l'horreur m'envahir.
Silencieusement, j'appris à les haïr.
Les insultes cinglaient, comme des fouets d'ortie.
Lorsqu'ils m'ont détachée enfin, je suis partie.
Je suis partie au gré des vents. Et depuis lors
Mon visage est pareil à la face des morts.
Renée Vivien
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Par LLA le 20 Juin 2014 à 11:33
Le couchant est semblable à la mort d'un poète...
Ah! pesanteur des ans et des songes vécus!
Ici, je goûte en paix l'heure de la défaite,
Car le soir pitoyable est l'ami des vaincus.
Mes vers n'ont pas atteint à la calme excellence,
Je l'ai compris, et nul ne les lira jamais...
Il me reste la lune et le proche silence,
Et les lys, et surtout la femme que j'aimais...
Du moins, j'aurai connu la splendeur sans limite
De la couleur, de la ligne, de la senteur...
J'aurai vécu ma vie ainsi que l'on récite
Un poème, avec art et tendresse et lenteur.
Mes mains gardent l'odeur des belles chevelures.
Que l'on m'enterre avec mes souvenirs, ainsi
Qu'on enterrait avec les reines leurs parures...
J'emporterai là-bas ma joie et mon souci...
Isis, j'ai préparé la barque funéraire
Que l'on remplit de fleurs, d'épices et de nard,
Et dont la voile flotte en des plis de suaire...
Les rituels rameurs sont prêts... Il se fait tard...
Sous la protection auguste de tes ailes,
O Déesse! j'irai vers les prés sans avril...
Je partirai, parmi les odes fraternelles,
Sur un fleuve plus large et plus noir que le Nil.
Et que mon coeur soit lourd dans ta juste balance,
Lorsque j'arriverai près du trône fatal
Où le silence noir est plein de vigilance
Et que servent les Dieux à têtes de chacal.
Isis, fais-moi rejoindre, au fond des plaines nues,
Les poètes obscurs qui savent les affronts
Et qui passent, chantant leurs strophes inconnues
Dans le soir éternel qui pèse sur leurs fronts...
Renée Vivien
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Par LLA le 20 Juin 2014 à 11:36
Le monde est un jardin de plaisir et de mort,
Où l'ombre sous les bleus feuillages semble attendre,
Où la rose s'effeuille avec un bruit de cendre,
Où le parfum des lys est volontaire et fort.
Parmi les lys nouveaux et les roses suprêmes,
Nous mêlons nos aveux à d'antiques sanglots...
Le monde est un jardin où tout meurt, les pavots
Et les sauges et les romarins et nous-mêmes.
Des rires sont cachés partout; l'on sent courir
Au ras du sol les pieds invisibles des brises,
Et nous nous promenons dans ce jardin, éprises
Et ferventes, sachant que nous devons mourir...
Nous allons au hasard de nos rêves, j'effleure
Ton col, et tes yeux sont comme un lac endormi.
Le soleil nous regarde avec des yeux d'ami,
Et nous ne songeons point à la fuite de l'heure.
Nous marchons lentement et notre ombre nous suit...
Le vent bruit avec un long frisson de traîne...
Nous qui ne parlons pas de notre mort certaine,
Avons-nous oublié l'approche de la nuit?...
Renée Vivien
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