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    Ils me disent, tandis que je sanglote encore:

    "Dans l'ombre du sépulcre où sa grâce pâlit,

    Elle goûte la paix passagère du lit,

    Les ténèbres au front, et dans les yeux l'aurore.

     

    "Mais elle a la splendeur de l'Esprit délivré,

    Rêve, haleine, harmonie, éclat, parfum, lumière!

    Le cercueil ne la peut contenir tout entière,

    Ni le sol de chair morte et de pleurs enivré.

     

    "Les larmes d'or du cierge et le cri du cantique,

    Les lys fanés, ne sont qu'un symbole menteur:

    Dans une aube d'avril qui vient avec lenteur,

    Elle refleurira, violette mystique."

     

    Moi, j'écoute parmi les temples de la mort

    Et sens monter vers moi la chaleur de la terre.

    Cette accablante odeur recèle le mystère

    De l'ombre où l'on repose et du lit où l'on dort.

     

    J'écoute, mais le vent des espaces emporte

    L'audacieux espoir des infinis sereins.

    Je sais qu'elle n'est plus dans l'heure que j'étreins,

    L'heure unique et certaine, et moi, je la crois morte.

     

    Renée Vivien


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    Dans l'azur de l'avril, dans le gris de l'automne,

    Les arbres ont un charme inquiet et mouvant.

    Le peuplier se ploie et se tord sous le vent,

    Pareil aux corps de femme où le désir frissonne.

     

    Sa grâce a des langueurs de chair qui s'abandonne,

    Son feuillage murmure et frémit en rêvant,

    Et s'incline, amoureux des roses du Levant.

    Le tremble porte au front une pâle couronne.

     

    Vêtu de clair de lune et de reflets d'argent,

    S'effile le bouleau dont l'ivoire changeant

    Projette des pâleurs aux ombres incertaines.

     

    Les tilleuls ont l'odeur des âpres cheveux bruns,

    Et des acacias aux verdures lointaines

    Tombe divinement la neige des parfums.

     

    Renée Vivien


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                      "I've been a ranger"

     

                                                   J. Keats

     

     

    Tu gardes dans tes yeux la volupté des nuits,

    O joie inespérée au fond des solitudes!

    Ton baiser est pareil à la saveur des fruits

    Et ta voix fait songer aux merveilleux préludes

    Murmurés par la mer à la beauté des nuits.

     

    Tu portes sur ton front la langueur et l'ivresse,

    Les serments éternels et les aveux d'amour;

    Tu sembles évoquer la fragile caresse

    Dont l'ardeur se dérobe à la clarté du jour

    Et qui te laisse au front la langueur et l'ivresse.

     

    Renée Vivien


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    Ta voix a la langueur des lyres lesbiennes,

    L'anxiété des chants et des odes saphiques,

    Et tu sais le secret d'accablantes musiques

    Où pleure le soupir d'unions anciennes.

     

    Les Aèdes fervents et les Musiciennes

    T'enseignèrent l'ampleur des strophes érotiques

    Et la gravité des lapidaires distiques.

    Jadis tu contemplas les nudités païennes.

     

    Tu sembles écouter l'écho des harmonies

    Mortes; bleus de ce bleu des clartés infinies,

    Tes yeux ont le reflet du ciel de Mytilène.

     

    Les fleurs ont parfumé tes étranges mains creuses;

    De ton corps monte, ainsi qu'une légère haleine,

    La blanche volupté des vierges amoureuses.

     

    Renée Vivien


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    Doucement tu passas du sommeil à la mort,

    De la nuit à la tombe et du rêve au silence,

    Comme s'évanouit le sanglot d'un accord

    Dans l'air d'un soir d'été qui meurt de somnolence.

    Au fond du Crépuscule où sombrent les couleurs,

    Où le monde pâlit sous les cendres du rêve,

    Tu sembles écouter le reflux de la sève

    Et l'avril musical qui fait chanter les fleurs.

    Le velours de la terre aux caresses muettes

    T'enserre, et sur ton front pleurent les violettes.

     

    Renée Vivien


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