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    J'ai l'âme lasse du destin

    Et je ne veux plus voir le monde

    Qu'à travers le voile divin

    De tes pâles cheveux de blonde.

     

    Sur mon front, haï des sommeils

    Et que le délire importune,

    Répands tes doux cheveux, pareils

    A des rayons de clair de lune.

     

    Puisque le passé pleure seul

    Parmi les félicités brèves,

    Fais de tes cheveux le linceul

    Afin d'ensevelir mes rêves.

     

    Renée Vivien


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    Le charme de tes yeux sans couleur ni lumière

    Me prend étrangement; il se fait triste et tard,

    Et, perdu sous le pli de ta pâle paupière,

    Dans l'ombre de tes cils sommeille ton regard.

     

    J'interroge longtemps tes stagnantes prunelles.

    Elles ont le néant du soir et de l'hiver

    Et des tombeaux: j'y vois les limbes éternelles,

    L'infini lamentable et terne de la mer.

     

    Rien ne survit en toi, pas même un rêve tendre.

    Tout s'éteint dans tes yeux sans âme et sans reflet,

    Comme dans un foyer de silence et de cendre...

    Et l'heure est monotone ainsi qu'un chapelet.

     

    Parmi l'accablement du morne paysage,

    Un froid mépris me prend des vivants et des forts...

    J'ai trouvé dans tes yeux la paix sinistre et sage

    Et la mort qu'on respire à rêver près des morts.

     

    Renée Vivien


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    Les remous de la mer miroitaient dans ta robe.

    Ton corps semblait le flot traître qui se dérobe.

    Tu m'attirais vers toi comme l'abîme et l'eau;

    Tes souples mains avaient le charme du réseau,

    Et tes vagues cheveux flottaient sur ta poitrine,

    Fluides et subtils comme l'algue marine.

    Cet attrait décevant qui pare le danger

    Rendait encor plus doux ton sourire léger;

    Ton front me rappelait les profondeurs sereines,

    Et tes yeux me chantaient la chanson des sirènes.

     

    Renée Vivien


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    Tes cheveux irréels, aux reflets clairs et froids,

    Ont de pâles lueurs et des matités blondes;

    Tes regards ont l'azur des éthers et des ondes;

    Ta robe a le frisson des brises et des bois.

     

    Je brûle de baisers la blancheur de tes doigts.

    L'air nocturne répand la poussière des mondes.

    Pourtant je ne sais plus, au sein des nuits profondes,

    Te contempler avec l'extase d'autrefois.

     

    La lune t'effleura d'une lueur oblique...

    Ce fut terrible autant qu'un éclair prophétique

    Révélant la hideur au fond de ta beauté.

     

    Je vis - comme l'on voit une fleur qui se fane -

    Sur ta bouche, pareille aux aurores d'été,

    Un sourire flétri de vieille courtisane.

     

    Renée Vivien


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  • Cri

     

     

    Tes yeux bleus, à travers leurs paupières mi-closes,

    Recèlent la lueur des vagues trahisons.

    Le souffle violent et fourbe de ces roses

    M'enivre comme un vin où dorment les poisons...

     

    Vers l'heure où follement dansent les lucioles,

    L'heure où brille à nos yeux le désir du moment,

    Tu me redis en vains les flatteuses paroles...

    Je te hais et je t'aime abominablement.

     

    Renée Vivien


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