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    Ta chevelure d'un blond rose

    A l'opulence du couchant,

    Ton silence semble une pause

    Adorable au milieu d'un chant.

     

    Et tu passes, ô Bien-Aimée,

    Dans le frémissement de l'air...

    Mon âme est toute parfumée

    Des roses blanches de ta chair.

     

    Lorsque tu lèves les paupières,

    Tes yeux pâles, d'un bleu subtil,

    Reflètent les larges lumières,

    Et les fleurs t'appellent: Avril!

     

    Renée Vivien


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    Ecoutez... Celles-là sont les Musiciennes.

    Leur présence est pareille à l'écho d'une voix,

    Et leur souffle est dans l'air plein de légers émois,

    Plein de très lents accords aux langueurs lesbiennes.

     

    Et les voici passer, formes aériennes,

    Se mêlant au silence harmonieux des bois,

    Et redisant en choeur leurs amours d'autrefois,

    Aux sons luxurieux des lyres anciennes.

     

    Ces choeurs, se lamentant, pleurent au fond des nuits

    Et mêlent des essors, des frissons et des bruits

    Aux forêts de silence et d'ombre recouvertes.

     

    Comme pour exhaler le chant ou le soupir

    On les sent hésiter, les lèvres entr'ouvertes,

    Et le poète seul les entend revenir.

     

    Renée Vivien


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    L'éclat de la fanfare et l'orgueil des cymbales,

    Réveillant les échos, se prolongent là-bas,

    Et, sous l'herbe sans fleurs des fosses martiales,

    Les guerriers assoupis rêvent d'anciens combats.

     

    Ils ne s'enivrent point des moiteurs de la terre

    Tiède de baisers las et de souffles enfuis...

    Seuls, ils ne goûtent point l'enveloppant mystère,

    La paix et le parfum des immuables nuits.

     

    Car leur sépulcre est plein de cris et de fumée

    Et, devant leurs yeux clos en de pâles torpeurs,

    Passe la vision de la plaine embrumée

    D'haleines, de poussière et de rouges vapeurs.

     

    Ils attendent, tout prêts à se lever encore,

    Les premières lueurs, le clairon du réveil,

    Le lourd piétinement des chevaux à l'aurore,

    Les chansons du départ... et la marche au soleil!

     

    Que le ciel triomphal du couchant leur rappelle

    Les vieux champs de bataille et de gloire, en versant

    L'écarlate sinistre et la pourpre cruelle

    De ses reflets, pareils aux larges flots de sang!

     

    Que le vent, aux clameurs de victoire et de rage,

    Le vent qui dispersait la cendre des foyers,

    Mêle à leur tombe ardente, avec un bruit d'orage,

    Le superbe frisson des drapeaux déployés!

     

    Renée Vivien


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    Ton sommeil m'épouvante, il est froid et profond

    Ainsi que le Sommeil aux langueurs éternelles.

    J'ai peur de tes yeux clos, du calme de ton front.

    Je guette - et le silence inquiet me confond -

    Un mouvement des cils sur la nuit des prunelles.

     

    Je ne sais, présageant les mortelles douleurs,

    Si, dans la nuit lointaine où l'aurore succombe,

    Ton souffle n'a pas fui comme un souffle de fleurs,

    Sans effort d'agonie et sans râle et sans pleurs,

    Et si ton lit d'amour n'est pas déjà la tombe.

     

    Renée Vivien


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                          I

     

    L'ombre assourdit le flux et le reflux des choses.

    Parmi l'accablement des parfums et des fleurs,

    Tes lèvres ont pleuré leurs rythmiques douleurs

    Dans un refrain mêlé de sanglots et de pauses.

     

    Et la langueur des lits, la paix des portes closes,

    Entourent nos désirs et nos âpres pâleurs...

    Dédaignant la lumière et le fard des couleurs,

    Nous mêlons aux baisers le soir lassé de roses.

     

    Tes yeux aux bleus aigus d'acier et de crystal

    S'entr'ouvre froidement, ternis comme un métal;

    Le ciel s'est recouvert d'une brume blafarde.

     

    Effleurant ton sommeil opprimé sous le faix

    Des ivresses, la lune aux rayons verts s'attarde

    Sur la ruine d'or de tes cheveux défaits.

     

     

                          II

     

    Sous un ciel ambigu, l'olivier et l'acanthe

    Mêlent subtilement leurs frissons bleus et verts,

    Et dans l'ombre fleurit, comme un songe pervers,

    L'harmonieux baiser de l'amante à l'amante.

     

    Les cheveux aux bruns roux d'automne et d'amarante

    Et les pâles cheveux plus blonds que les hivers

    Confondent leurs reflets. Sur les yeux entr'ouverts

    Passe une joie aiguë ainsi qu'une épouvante.

     

    Le crépuscule rose a baigné l'horizon.

    Les désirs attardés craignent la trahison

    Et le rire sournois de l'aurore importune.

     

    Les doigts ont effeuillé les lotos du sommeil,

    Et la virginité farouche de la lune

    A préféré la mort au viol du soleil.

     

    Renée Vivien


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