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Par LLA le 8 Novembre 2013 à 12:34
Sur les marbres massifs plane la paix de l'air.
La nature, qui hait la fièvre et le factice,
Décore les tombeaux, passive protectrice,
De rosée au printemps et de neige en hiver.
Le souffle égal des Morts s'en va vers le ciel clair.
Ils rêvent gravement: leur sottise et leur vice
Sont devenus de l'herbe et des fleurs sans malice;
Le lys pur a puisé ses parfums dans leur chair.
Une chauve-souris parfois rôde et s'égare
D'un vol supplicié, tortueux et bizarre,
Ainsi qu'une âme en peine errant près des autels.
Ayant seuls la pudeur et l'orgueil de se taire,
Ces vivants de la veille, inquiets et cruels,
Sont devenus sereins et bon comme la terre.
Renée Vivien
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Par LLA le 8 Novembre 2013 à 12:36
L'ombre vient, les paupières closes...
O ma Maîtresse, j'ai mêlé
Des iris noirs aux roses roses
Dans le crépuscule troublé.
Tes yeux ont des lueurs mystiques
Comme la lune sur les flots...
Que nous importent les musiques
Où ne vibrent point les sanglots?
Savourons l'intime détresse
Que verse doucement le soir...
Pour toi je mêle, ô ma Maîtresse,
La rose rose à l'iris noir...
Renée Vivien
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Par LLA le 8 Novembre 2013 à 12:38
Ivre du vin des chants ainsi qu'une Bacchante,
Elle a loué la terre et les Dieux tour à tour,
La femme aux yeux d'amant, Korinna triomphante.
Sa voix a déchaîné les angoisses d'amour:
Les flammes du soleil ont brûlé dans ses veines.
Elle a chanté les jours aux rayons fabuleux,
L'écume de la mer où flottent les sirènes,
Et le lit de Léda parsemé d'iris bleus,
L'Ouranos aux palais d'opales et de jades
Où le soir vit fleurir les divines Pléiades.
Elle a chanté l'Hadès au fleuve illuminé
D'étoiles, et la paix des demeures funèbres
Où, lune de l'hiver, règne Perséphoné,
La Déesse endormie aux cheveux de ténèbres.
Elle a chanté l'Hadès où languissent les fleurs,
Elle a chanté l'effroi des êtres et des choses
Devant l'Aphrodita qui verse les douleurs
Et mêle le poison au coeur simple des roses,
L'Aphrodita, multiple ainsi que l'arc-en-ciel,
Vers qui monte l'essor des lyres inquiètes...
Elle a chanté Daphné dont les blondeurs de miel
Parfument le silence où rêvent les Poètes,
Fugitive éternelle aux lèvres sans amour!
- Ivre du vin des chants ainsi qu'une Bacchante,
Elle a loué la terre et les Dieux tour à tour,
La femme aux yeux d'amant, Korinna triomphante.
Renée Vivien
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Par LLA le 8 Novembre 2013 à 12:43
Tes cheveux sont pareils aux feuillages d'automne,
Déesse du couchant, des ruines, du soir!
Le sang du crépuscule est ta rouge couronne,
Tu choisi les marais stagnants pour ton miroir.
L'odeur des lys fanés et des branches pourries
S'exhale de ta robe aux plis lassés: tes yeux
Suivent avec langueur de pâles rêveries:
Dans ta voix pleure encor le sanglot des adieux.
Tu ressembles à tout ce qui penche et décline.
Passive, et comprimant la douleur sans appel
Dont ton corps a gardé l'attitude divine,
Tu parais te mouvoir dans un souffle irréel.
Ah! l'ardeur brisée, ah! la savante agonie
De ton être expirant dans l'amour, ah! l'effort
De tes râles! - Au fond de la joie infinie,
Je savoure le goût violent de la mort...
Renée Vivien
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Par LLA le 8 Novembre 2013 à 12:46
Ses lèvres ont ravagé les grappes meurtries
Et bu le baiser rouge et cruel du Désir.
Elle ne connaît point les blanches rêveries,
Ni l'amour que les bras ne sauraient point saisir.
Ses regards ont fané la volupté des lignes,
Les roses de la chair, le marbre des contours.
Ses pas ont saccagé les vergers et les vignes,
Et les vierges ont fui devant ses yeux d'amour.
Erôs l'agite, et Pan la sert et la protège.
Parfois, elle s'éloigne, et, lasse de l'Eté,
Elle appelle les vents sans parfum et la Neige
Qui promet l'impossible et douce chasteté.
Renée Vivien
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