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    Sur les marbres massifs plane la paix de l'air.

    La nature, qui hait la fièvre et le factice,

    Décore les tombeaux, passive protectrice,

    De rosée au printemps et de neige en hiver.

     

    Le souffle égal des Morts s'en va vers le ciel clair.

    Ils rêvent gravement: leur sottise et leur vice

    Sont devenus de l'herbe et des fleurs sans malice;

    Le lys pur a puisé ses parfums dans leur chair.

     

    Une chauve-souris parfois rôde et s'égare

    D'un vol supplicié, tortueux et bizarre,

    Ainsi qu'une âme en peine errant près des autels.

     

    Ayant seuls la pudeur et l'orgueil de se taire,

    Ces vivants de la veille, inquiets et cruels,

    Sont devenus sereins et bon comme la terre.

     

    Renée Vivien


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    L'ombre vient, les paupières closes...

    O ma Maîtresse, j'ai mêlé

    Des iris noirs aux roses roses

    Dans le crépuscule troublé.

     

    Tes yeux ont des lueurs mystiques

    Comme la lune sur les flots...

    Que nous importent les musiques

    Où ne vibrent point les sanglots?

     

    Savourons l'intime détresse

    Que verse doucement le soir...

    Pour toi je mêle, ô ma Maîtresse,

    La rose rose à l'iris noir...

     

    Renée Vivien


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    Ivre du vin des chants ainsi qu'une Bacchante,

    Elle a loué la terre et les Dieux tour à tour,

    La femme aux yeux d'amant, Korinna triomphante.

    Sa voix a déchaîné les angoisses d'amour:

    Les flammes du soleil ont brûlé dans ses veines.

     

    Elle a chanté les jours aux rayons fabuleux,

    L'écume de la mer où flottent les sirènes,

    Et le lit de Léda parsemé d'iris bleus,

    L'Ouranos aux palais d'opales et de jades

    Où le soir vit fleurir les divines Pléiades.

    Elle a chanté l'Hadès au fleuve illuminé

    D'étoiles, et la paix des demeures funèbres

    Où, lune de l'hiver, règne Perséphoné,

    La Déesse endormie aux cheveux de ténèbres.

     

    Elle a chanté l'Hadès où languissent les fleurs,

    Elle a chanté l'effroi des êtres et des choses

    Devant l'Aphrodita qui verse les douleurs

    Et mêle le poison au coeur simple des roses,

    L'Aphrodita, multiple ainsi que l'arc-en-ciel,

    Vers qui monte l'essor des lyres inquiètes...

    Elle a chanté Daphné dont les blondeurs de miel

    Parfument le silence où rêvent les Poètes,

    Fugitive éternelle aux lèvres sans amour!

     

    - Ivre du vin des chants ainsi qu'une Bacchante,

    Elle a loué la terre et les Dieux tour à tour,

    La femme aux yeux d'amant, Korinna triomphante.

     

    Renée Vivien


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    Tes cheveux sont pareils aux feuillages d'automne,

    Déesse du couchant, des ruines, du soir!

    Le sang du crépuscule est ta rouge couronne,

    Tu choisi les marais stagnants pour ton miroir.

     

    L'odeur des lys fanés et des branches pourries

    S'exhale de ta robe aux plis lassés: tes yeux

    Suivent avec langueur de pâles rêveries:

    Dans ta voix pleure encor le sanglot des adieux.

     

    Tu ressembles à tout ce qui penche et décline.

    Passive, et comprimant la douleur sans appel

    Dont ton corps a gardé l'attitude divine,

    Tu parais te mouvoir dans un souffle irréel.

     

    Ah! l'ardeur brisée, ah! la savante agonie

    De ton être expirant dans l'amour, ah! l'effort

    De tes râles! - Au fond de la joie infinie,

    Je savoure le goût violent de la mort...

     

    Renée Vivien


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    Ses lèvres ont ravagé les grappes meurtries

    Et bu le baiser rouge et cruel du Désir.

    Elle ne connaît point les blanches rêveries,

    Ni l'amour que les bras ne sauraient point saisir.

     

    Ses regards ont fané la volupté des lignes,

    Les roses de la chair, le marbre des contours.

    Ses pas ont saccagé les vergers et les vignes,

    Et les vierges ont fui devant ses yeux d'amour.

     

    Erôs l'agite, et Pan la sert et la protège.

    Parfois, elle s'éloigne, et, lasse de l'Eté,

    Elle appelle les vents sans parfum et la Neige

    Qui promet l'impossible et douce chasteté.

     

    Renée Vivien


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