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    Placez le filet et la rame et les voiles,

    Pêcheurs, au-dessus de ce tombeau marin

    Où dort Pélagôn, fils errant des étoiles

                     Et fils du Destin.

     

    Ce Mort a connu les hasards de l'orage,

    Le tourment des flots, les monstres de la mer,

    La faim qui déchire et la soif qui ravage

                     Et le pain amer.

     

    Mais le vent du large a gonflé sa poitrine

    D'un souffle pareil à l'haleine des Dieux,

    Et les pieds d'argent de Téthys la Divine

                     Ont ravi ses yeux.

     

    Il a bu l'odeur et la couleur des vagues,

    Le baiser du sel qui ranime et qui mord;

    Il a vu flotter, ondoyantes et vagues,

                     Les brumes du Nord.

     

    Placez le filet et la rame et les voiles,

    Pêcheurs, au-dessus de ce tombeau marin

    Où dort Pélagôn, fils errant des étoiles

                     Et fils du Destin.

     

    Renée Vivien


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    Il est un ciel limpide où s'éteint le zéphyr,

    Où la clarté se meurt sur les champs d'asphodèles,

    Et là-bas, dans le vol de leur dernier soupir,

    Vient l'âme sans espoir des Amantes fidèles.

     

    Là-bas, la rose même a d'étranges pâleurs,

    Les oiseaux n'ont qu'un chant égal et monotone,

    Les terrestres parfums ont délaissé les fleurs,

    Le soleil a toujours un sourire d'automne.

     

    Elles passent, les yeux vaguement azurés,

    Dans l'azur virginal de leur beauté première,

    Effleurant de leur pas harmonieux les prés

    Que leurs blancs vêtements parsèment de lumière.

     

    Et le mouvant miroir de la source confond

    Dans un même reflet les larges chevelures...

    Les lueurs du couchant se mêlent à leur front:

    Mais les baisers sont morts sur leurs lèvres très pures.

     

    Elles ont recueilli la flamme de l'autel

    Qui brûle sous les yeux de la chaste Déesse,

    Et gardé de l'Amour ce qu'il a d'éternel:

    Le divin souvenir, le rêve et la tristesse.

     

    Renée Vivien


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    Déesse de la Mort, pâle Perséphoné,

    Dont l'Hadès recueillit les langueurs léthéennes,

    Déesse dont le front semble un printemps fané,

    Dont la voix est l'écho des voix élyséennes,

    Déesse de la Mort, pâle Perséphoné,

     

    Ouvre d'un geste lent ta chambre nuptiale,

    Où l'éternel soupir des Morts vient s'apaiser,

    A l'ombre de Timas, la vierge liliale

    Qui n'a jamais connu le désir du baiser:

    O Déesse, ouvre-lui ta chambre nuptiale!

     

    Vois son manteau tissé d'étrange pourpre et d'or.

    Sa parure dépasse en beauté les parures

    Des reines de l'Egypte au fabuleux trésor...

    Les vierges ont coupé leurs belles chevelures

    Pour lui faire un manteau d'étrange pourpre et d'or.

     

    Renée Vivien


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    Tout s'élargit. Le soir qui tombe est magnifique

    Et vaste. Comme un Doge amoureux de la mer,

    Parmi l'effeuillement des roses, la musique

    Des luths, l'or qui flamboie ainsi qu'un rouge éclair,

    Moi, j'irai, dominant le cortège mystique,

    Et, somptueusement, j'épouserai la mer.

     

    J'épouserai la mer, la souveraine amante.

    Le parfum et le sel de son royal baiser

    Irriteront la soif de ma bouche brûlante,

    Et, tel un souvenir qui ne peut s'apaiser,

    S'élèvera le vent des espaces qui chante

    Dans le ciel nuptial l'infini du baiser.

     

    Je verrai tressaillir l'ombre des hippocampes.

    Les algues s'ouvriront comme s'ouvrent les fleurs,

    Et le phosphore, aux bleus rayonnements de lampes,

    Allumera pour moi de vivantes pâleurs:

    Afin de couronner mes cheveux et mes tempes,

    Les algues flotteront, plus belles que les fleurs.

     

    Ainsi, laissant flotter mon corps à la dérive,

    Je mêlerai mon âme à l'âme de la mer,

    Je mêlerai mon souffle à la brise furtive.

    Se dissolvant, légère et fluide, ma chair

    Ne sera plus qu'un peu d'écume fugitive.

    Dans la pourpre du soir j'épouserai la mer.

     

    Renée Vivien


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