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    Dans le mystique soir d'avril j'ai triomphé.

    J'ai crié d'une voix de victoire: Elle est morte,

    Et le tombeau sur Elle a refermé sa porte.

    La nuit garde l'écho de son râle étouffé.

    - Quel sourire de paix sur tes lèvres muettes,

                    O soeur des violettes!

     

    J'ai brûlé de baisers les pieds blancs de la Mort,

    Car elle t'épargna la souillure et l'empreinte,

    L'angoisse du désir, les affres de l'étreinte,

    Les ardeurs du vouloir, l'âpreté de l'effort.

    - L'amour s'est éloigné de tes lèvres muettes,

                    O soeur des violettes!

     

    La Mort a désarmé les désespoirs futurs,

    Elle a mêlé la nuit à tes paupières closes,

    La lumière des lys à la flamme des roses,

    Et les baumes très blancs et les parfums très purs

    A la virginité de tes lèvres muettes,

                    O soeur des violettes!

     

    La Mort qui réunit les êtres transformés,

    Redevenus nouveaux et brillants d'allégresse,

    Vêtus de visions, de charme et de jeunesse,

    Et tels que les ont vus ceux qui les ont aimés,

    Sauvera la beauté de tes lèvres muettes,

                    O soeur des violettes!

     

    Renée Vivien


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    O mes rêves, voici l'heure équivoque et tendre

    Du crépuscule, éclos telle une fleur de cendre.

     

    Les clartés de la nuit, les ténèbres du jour,

    Ont la complexité de mon étrange amour.

     

    Sous le charme pervers de la lumière double,

    Le regard de mon âme interroge et se trouble.

     

    Je contemple, tandis que l'énigme me fuit,

    Les ténèbres du jour, les clartés de la nuit...

     

    L'ambigu de ton corps s'alambique et s'affine

    Dans son ardeur stérile et sa grâce androgyne.

     

    Les clartés de la nuit, les ténèbres du jour,

    Ont la complexité de mon étrange amour.

     

    Renée Vivien


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    Son pas a la douceur des brises sous les branches,

    Et les perles de gui, les violettes blanches

    Parent suavement ses cheveux aux blonds verts.

     

    Les roses, découvrant leurs rires entr'ouverts,

    Effleurent Velléda, la jeune Druidesse.

     

    Les chênes éternels, dont elle est la Prêtresse,

    Lui dirent autrefois, d'un murmure lassé,

    Ce qu'ils ont recueilli de l'ombre et du passé.

    La sagesse et la paix des arbres sont en elle.

    L'hiver l'ensevelit, l'été la renouvelle.

     

    Vierge, elle aime d'amour la neige sur les bois,

    Et le chant des oiseaux ruisselle dans sa voix.

    Ses yeux verts ont gardé la fraîcheur des feuillages.

     

    Sa grave solitude ignore les visages.

    Les arbres seuls ont appris ses rêves fervents.

     

    Par les terribles nuits où s'acharnent les vents,

    Son être se déchire en des clameurs hautaines,

    Tordu comme le corps tourmenté des grands chênes

    Que brise aveuglement le souffle des hivers,

     

    Et ses regards d'effroi reflètent les éclairs.

    D'incohérents sanglots et d'étranges paroles

    Se heurtent, sourdement, entre ses lèvres folles,

    Les cris de l'ouragan se mêlent à ses cris.

     

    La foule écoute, avec des regards assombris,

    La pâle Prophétesse aux colères divines.

    La Prophétesse voit des meurtres, des ruines,

    Dans le sang de l'automne et la pourpre du soir,

    Des empires brisés, des temples sans espoir,

    Des fuites de vaincus au profond des vallées,

    Et des voiles de deuil de femmes exilées.

    Sa chair froide est en proie aux livides sueurs...

     

    A l'aube de sa mort, d'incertaines lueurs

    De soleil brilleront sur l'immense détresse

    De la forêt et sur la blême Druidesse,

    Ceinte de lys des bois que l'orage a broyés,

    Expirante, parmi les chênes foudroyés.

     

    Renée Vivien


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                    O soir, toi qui ramènes tout ce que le lumineux

                    matin a dispersé, tu ramènes la brebis, tu

                    ramènes la chèvre...

                                                                      Psappha.

     

    D'un geste très doux qui rassemble et ramène

    Les brebis le long des chemins traversés,

    L'ombre réunit les troupeaux dispersés,

                     Là-bas, dans la plaine.

     

    Ceux que le matin aux mille voix a fait

    Errer vers la grève où le flot clair palpite

    Reviennent à pas lents et sûrs vers le gîte

                     Où l'on dort en paix.

     

    Auprès du foyer où se tordent les flammes,

    Le soir s'est assis comme un hôte lassé...

    Ah! que ne peut-il, au delà du passé,

                     Réunir les âmes!

     

    J'évoque ton front virginal et ta voix,

    Eranna; tes yeux, Gurinnô triste et tendre;

    Tes cheveux, Gorgô; tes seins, Atthis... la cendre

                     Des nuits d'autrefois.

     

    Tu sais ramener les brebis et les chèvres,

    O soir vigilant! Mais sauras-tu jamais

    Me ramener vers la femme que j'aimais,

                     Vers ses douces lèvres?

     

    Que de souvenirs à la chute du jour!

    Et moi, dont les pieds errent depuis l'aurore,

    Comment ai-je pu garder vivant encore

                     L'amour de l'amour?

     

    Renée Vivien


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    Des gouttes d'eau - de l'eau de mer -

    Mêlent leur lumière fluide,

    Glauque et pareille aux flots d'hiver,

    A tes longs doigts d'Océanide.

     

    Comment décrire le secret

    De leurs pâleurs froides et fines?

    Ton regard vert semble un reflet

    Des cruelles aigues-marines.

     

    Ton corps a l'imprécis contour

    Des flots souples aux remous vagues,

    Et tes attitudes d'amour

    Se déroulent, comme les vagues.

     

    Renée Vivien


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