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    L'odeur des frézias s'enfuit

    Vers les cyprès aux noirs murmures...

    La brune amoureuse et la nuit

    Ont confondu leurs chevelures.

     

    J'ai vu se mêler, lorsque luit

    La datura baigné de lune,

    Les cheveux sombres de la nuit

    Aux cheveux pâles de la brune.

     

    La fin balsamique du jour,

    Blonde de frelons et d'abeilles,

    Perçoit, dans un baiser d'amour,

    La beauté des lèvres pareilles.

     

    L'odeur des frézias s'enfuit

    Vers les cyprès aux noirs murmures...

    La brune amoureuse et la nuit

    Ont confondu leurs chevelures.

     

    Renée Vivien


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    Estompe ta beauté sous le poids des étoffes,

    Plus souples que les flots, plus graves que les strophes.

     

    Elles ont la caresse et le rythme des mers,

    Et leur frisson s'accorde au blanc frisson des chairs.

     

    Revêts le violet des antiques chasubles,

    Parsemé de l'éclair des ors indissolubles.

     

    L'encens apaise encor leurs plis religieux;

    Elles aiment les Purs et les Silencieux.

     

    Evoque, Océanide aux changeantes prunelles,

    Le vert glauque où frémit l'écume des dentelles.

     

    Jadis la gravité du velours se plia

    Sur tes seins de pavot et de magnolia.

     

    Le satin froid, où la ligne se dissimule,

    Gris comme l'olivier fleuri de crépuscule,

     

    Et la moire, pareille au sommeil de l'étang,

    Où stagnent les lys verts et les reflets de sang,

     

    Le givre et le brouillard des pâles broderies,

    Où les tisseuses ont tramé leurs rêveries,

     

    Parèrent savamment ta savante impudeur

    Et ton corps où le rut a laissé sa tiédeur.

     

    Ressuscite pour moi le lumineux cortège

    De visions, et sois l'arc-en-ciel et la neige,

     

    Sois la vague, ou la fleur des bocages moussus,

    O Loreley, selon la couleur des tissus.

     

    Mes rêves chanteront dans l'ombre des étoffes,

    Plus souples que les flots, plus grave que les strophes.

     

    Renée Vivien


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    La Haine nous unit, plus forte que l'Amour.

    Nous haïssons le rire et le rythme du jour,

    Le regard du printemps au néfaste retour.

     

    Nous haïssons la face agressive des mâles.

    Nos coeurs ont recueilli les regrets et les râles

    Des Femmes aux fronts lourds, des Femmes aux fronts pâles.

     

    Nous haïssons le rut qui souille le désir.

    Nous jetons l'anathème à l'immonde soupir

    D'où naîtront les douleurs des êtres à venir.

     

    Nous haïssons la Foule et les Lois et le Monde.

    Comme une voix de fauve à la rumeur profonde,

    Notre rébellion se répercute et gronde.

     

    Amantes sans amant, épouses sans époux,

    Le souffle ténébreux de Lilith est en nous,

    Et le baiser d'Eblis nous fut terrible et doux.

     

    Plus belle que l'Amour, la Haine est ma maîtresse,

    Et je convoite en toi la cruelle prêtresse

    Dont mes lividités aiguiseront l'ivresse.

     

    Mêlant l'or des genêts à la nuit des iris,

    Nous renierons les pleurs mystiques de jadis

    Et l'expiation des cierges et des lys.

     

    Je ne frapperai plus aux somnolentes portes.

    Les odeurs monteront vers moi, sombres et fortes,

    Avec le souvenir diaphane des Mortes.

     

    Renée Vivien


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    Tu m'apportes l'ardeur des nuits de Palestine.

      Sur ton front, serein comme un feu d'autel,

      Brûle, sceau mystique, empreinte divine,

    La gloire de ta race, ô fille d'Israël!

     

    Ton corps a les parfums du corps de Bethsabée,

      Pâleur de lotus et de nénuphar.

      Un saphir frémit, tel un scarabée,

    Sur tes cheveux pareils aux cheveux de Tamar.

     

    Et tes bras arrondis semblent porter l'amphore,

      Ainsi que les bras nus de Rébecca.

      Devant l'ennemi que ton peuple abhorre

    Ta bouche a proféré le cri mortel: raca.

     

    La soif d'Agar a fait trembler tes lèvres noires.

      Debout, et bravant la lune au zénith,

      Tu m'appris le chant rouge des victoires,

    Le rire de Jahel, les baisers de Judith.

     

    Tu m'apportes l'ardeur des nuits de Palestine.

      Sur ton front, serein comme un feu d'autel,

      Brûle, sceau mystique, empreinte divine,

    La gloire de ta race, ô fille d'Israël!

     

    Renée Vivien


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                                    Quelqu'un, je crois, se souviendra

                                    dans l'avenir de nous.

                                    Mon souci.

                                                                     Psappha.

     

    Dans l'avenir gris comme une aube incertaine,

    Quelqu'un, je le crois, se souviendra de nous,

    En voyant brûler sur l'ambre de la plaine

                    L'automne aux yeux roux.

     

    Un être parmi les êtres de la terre,

    O ma Volupté! se souviendra de nous,

    Une femme, ayant à son front le mystère

                    Violent et doux.

     

    Elle chérira l'embrun léger qui fume

    Et les oliviers aussi beaux que la mer,

    La fleur de la neige et la fleur de l'écume,

                    Le soir et l'hiver.

     

    Attristant d'adieux les rives et les berges,

    Sous les gravités d'un soleil obscurci,

    Elle connaîtra l'amour sacré des vierges,

                    Atthis, mon Souci.

     

    Renée Vivien


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