•  

                                    Excellente Prométhée, il y a aussi des

                                    humains qui t'égalent en habilité: qui que

                                    ce soit qui véritablement ait dessiné cette

                                    vierge, si l'on eût ajouté aussi la voix,

                                    c'était Agatharchis tout entière.

     

    Celle qui grava ces paupières décloses

    Ainsi que des fleurs, ces beaux doigts sans anneau,

    Ce corps puéril, plus tendre que les roses,

                    Plus souple que l'eau,

     

    Eût-elle ajouté la voix qui sollicite

    Et qui persuade, ainsi que le paktis,

    Elle eût évoqué la splendeur d'Aphrodite

                    Et d'Agatharchis.

     

    Renée Vivien


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                                    Vous qui parlez peu, femmes aux

                                    cheveux blancs, vous, fleurs de la

                                    vieillesse pour les mortels...

     

    Femmes aux cheveux blancs que l'hiver caresse,

    Vous que réjouit l'intimité du feu

    Et du crépuscule, ô fleurs de la vieillesse,

                    Vous qui parlez peu,

     

    Vous avez la paix candide des années,

    Vous êtes le choeur des vivants souvenirs:

    Douces, vous tressez les couronnes fanées

                    Des anciens désirs.

     

    Vous vous attardez, comme autrefois, aux porches

    Où Phoibos blondit la mousse et les lichens,

    Et vous allumez en souriant les torches

                    Rouge des hymens.

     

    Vous aimez l'automne aux yeux bruns et la rouille

    Des ports où le vent laisse un parfum salin:

    Vous filez, au chant de votre humble quenouille,

                    La neige du lin.

     

    La vierge respecte et craint votre sagesse,

    Et votre salut est lent comme un adieu,

    Femmes aux cheveux blancs, fleurs de la vieillesse,

                    Vous qui parlez peu...

     

    Renée Vivien


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                               De ce côté, le vain écho traverse à la nage

                               (le fleuve) vers l'Hadès; le silence (demeure)

                               chez les morts, et l'ombre s'empare des yeux.

     

    Le vain écho nage aveuglément vers l'ombre

    Où les plus beaux choeurs ne sont qu'un remous bref,

    Où le souvenir le plus cher plonge et sombre

                    Ainsi qu'une nef.

     

    Lasse, la pleureuse, ivre de somnolence,

    Auprès d'une stèle épuise ses transports:

    La cruche de deuil est vide, et le silence

                    Règne chez les morts.

     

    La myrrhe, fumant dans l'or des cassolettes,

    Ne réjouit plus les jardins d'aloès;

    Les vierges sans voix tressent les violettes

                    Blanches de l'Hadès.

     

    Les baromos se sont tus sous les acanthes...

    Rouillés et pareils à des miroirs ternis,

    Les flots du Léthé reflètent les Amantes

                    Aux bras désunis.

     

    Perséphoné tisse en des trames funèbres

    Les fils brisés des espoirs et des adieux.

    Elle seule veille et songe, et les ténèbres

                    S'emparent des yeux.

     

    Renée Vivien


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                                Doux fut ce labeur d'Erinna...

     

    Le couchant rougit, de son faste

      Cruel, ton bleu péplos,

    Qui, dans ses plis, a l'ampleur chaste

      Et simple du Paros,

    Et tes cheveux de Néréide,

    Dont Psappha chantait l'or fluide,

    Tremblent sous le vent qui les ride,

      Eranna de Télos.

     

    Les nefs aux frissons de fantômes

      Dardent leurs mâts pointus;

    Les aromates et les baumes

      Concentrent leurs vertus;

    Tandis que s'empourpre la plaine,

    Pâle, tu suspends ton haleine,

    Et tes yeux cherchent Mytilène

      Dont les choeurs se sont tus.

     

    Au delà des rouges collines

      S'irisent les embruns:

    Tu souris aux mains enfantines

      Que baignent les parfums,

    Aux mains qui, par les soirs d'opales,

    Gravaient ces lettres musicales,

    Gazouillant comme les cigales

      Ivres de verts parfums.

     

    Les pipeaux qu'un satyre affûte

      S'argentent, et le bruit

    D'eaux et de feuilles de la flûte

      Susurre et coule et fuit.

    Ton âme d'amoureuse écoute

    Les voix errantes sur la route,

    Et, prophétique, elle redoute

      L'approche de la nuit.

     

    Renée Vivien


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                                    Cependant elle n'est point perdue pour

                                    la mémoire des hommes, ni cachée sous

                                    l'aile ombreuse de la nuit noire.

     

     

    L'heure est ardente et solennelle,

      Et Psappha, se penchant

    Vers Eranna, pleure comme elle

      L'Adonis du couchant.

    Parmi l'éclair des bandelettes

    Et les tiédeurs des cassolettes,

    La Tisseuse de Violettes

      Trame les fleurs du chant.

     

    Au lointain, l'aimable hirondelle

      Pointe et darde son vol,

    Et les prés ont la sauterelle

      Pour humble rossignol.

    La vague meurt dans une étreinte;

    Sur la montagne, l'hyacinthe

    Ensanglante de pourpre éteinte

      La matité du sol.

     

    Psappha tourne vers sa disciple

      Son regard vaste et doux,

    Profond comme le soir multiple

      Sur l'onde sans remous.

    Elle parle, et l'ombre révère

    La beauté de son front sévère:

    Quelqu'un, dans l'avenir larvaire,

      Se souviendra de nous.

     

    Renée Vivien


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