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                               Etranger, si tu navigues vers Mytilène aux

                               beaux choeurs pour y cueillir la fleur des

                               grâces de Sappho, dis-lui qu'une femme de

                               Locres, chère aux Muses et à elle aussi,

                               enfanta d'autres (chants) pareils et que

                               mon nom est Nossis. Va.

     

    Etrangère aux yeux noirs qui vas vers Mytilène

    Où l'on cueille la fleur des grâces de Sappho,

    Ecoute! je te parle et suis à bout d'haleine...

    Lorsque tu reviendras, fidèle comme Echo,

     

    Parle-nous de la ville indolemment couchée,

    Telle une courtisane aux voiles de byssus,

    Qui s'allonge sur la couche molle, jonchée

    De roses, de fenouil, d'iris et de crocus.

     

    Vierge, dis à Sappho qu'une femme répète

    Les odes où s'attarde un sourire d'Atthis,

    Qu'elle a chanté les vers du souverain Poète:

    Etrangère, apprends-lui que mon nom est Nossis.

     

    Dis-lui qu'en appelant sa caresse inconnue,

    J'ai sangloté d'amour sous mes cheveux épars,

    Que je la vois pareille à l'Aphrodite nue,

    Dis-lui que je l'attends et que je l'aime... Pars!

     

    Renée Vivien


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                               Rien n'est plus doux qu'Erôs, et tout

                               ce qui est heureux vient après. J'ai

                               craché de ma bouche même le miel.

                               Et voici ce que dit Nossis: Celle que

                               Kupris n'a point aimée ne sait pas

                               quelles fleurs sont les roses.

     

    Vierges et femmes, rien n'est plus doux que l'amour.

    Les Kharites aux bras blancs, et les jeunes Heures,

    Les Piérides au front ardent comme le jour,

    Et l'Aurore aux pieds nus, lui sont inférieures.

     

    Je dédaigne le vin, je méprise le miel,

    Je ne veux que le goût des baisers à ma bouche;

    Ni les frissons de l'eau ni les remous du ciel

    N'égalent l'ondoiement de ta chair sur ma couche.

     

    Celle qui dédaigna le rire de Kupris

    Et qui n'a point connu son lit de violettes

    A le front gris des Morts. Ainsi parle Nossis

    Dont l'Erôs enduisit de cire les tablettes.

     

    Celle qui ne craint point à l'égal du trépas

    Les aubes sans caresse et les nuits sans murmure,

    O Déesse aux yeux bleus! celle-là ne sait pas

    Quelles fleurs sont les roses de ta chevelure!

     

    Renée Vivien


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                                    Et, ayant ri aux éclats, tourne-toi vers

                                    moi et dis-moi une parole amicale. Je suis

                                    Rhinthon de Syracuse, chétif rossignol

                                    des Muses, mais des bouffonneries

                                    tragiques nous avons cueilli notre lierre

                                    personnel.

     

    J'ai ployé sous le poids accablant de la lyre,

    Et j'ai pleuré jadis des vers sans lendemain:

    Murmure une parole amicale, et d'un rire

    Réjouis mon silence, et passe ton chemin.

     

    Moi, qui fus un chétif rossignol des Piérides,

    J'ai chanté le printemps au lumineux retour;

    La lune me baigna de ses remous limpides,

    J'ai vécu fervemment mes bleus minuits d'amour.

     

    Je vis blondir Phoibé radieusement nue...

    Aujourd'hui je sommeille aux pieds des aloès

    Et des rudes cactus: et mon ombre inconnue

    Erre dans la forêt muette de l'Hadès.

     

    J'allumai pour l'hymen la torche qui flamboie,

    Mes pampres ont orné le glorieux autel...

    Un peu de cendre obscure... et pourtant de ma joie

    Tragique je cueilli mon lierre personnel...

     

    Renée Vivien


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                                 Déesse vénérable, toi qui souvent

                                 descendant du haut du ciel, contemples

                                 le sanctuaire parfumé de Lacinium, reçoit

                                 le vêtement du lin le plus fin que, avec son

                                 illustre fille Nossis, tissa pour toi Theuphilis,

                                 fille de Kléocha.

     

    Bienheureuse Héra, la Très-Belle et l'Auguste,

    Qui daignes contempler de tes regards puissants

    Le glorieux naos que parfume l'encens,

    Levant ton front d'ivoire où le béryl s'incruste,

     

    Accepte en souriant cette robe de lin

    Que les mains de Nossis tissèrent sous l'acanthe,

    Nossis aux beaux sourcils, dont les cheveux d'amante

    S'empourpre à l'égal du couchant et du vin.

     

    Renée Vivien


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