•  

                                   Elle est reconnaissable même ici. Voyez:

                                   de Sabaithis c'est l'image par le corps et

                                   l'âme magnanime. Regarde cette sérénité;

                                   je crois voir aussi sa douceur. Réjouis-toi

                                   beaucoup, femme heureuse.

     

    Ceux qui ne l'ont point vue admirent Sabaithis.

    Lointaine, on la contemple en sa beauté présente:

    Voici ses bras de rose et ses yeux de lapis

    Et ses cheveux dorés que la brise tourmente.

     

    Passant, arrête-toi devant ce frais regard

    Que la claire sagesse anime de sa flamme,

    Et dans ces traits, plus doux que le miel et le nard,

    Reconnais la splendeur visible de son âme.

     

    Garde la douce paix sur ton front, et souris

    En ta double splendeur de vierge et d'amoureuse,

    Immortelle au milieu des rosiers défleuris...

    Salut à ton triomphe, ô femme bienheureuse!

     

    Renée Vivien


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  •  

                                    Il a paru qu'Aphrodite avait reçu avec

                                    joie, en offrande, ce réseau de cheveux

                                    de Samytha. Car il est ingénieusement

                                    travaillé, et a une douce odeur de nektar,

                                    de ce (nektar) dont elle oint aussi le bel

                                    Adonis.

     

    Dans l'ombre, d'où l'autel paré de flamme émerge,

    L'offrande a réjoui la blanche Aphrodita:

    Ce réseau, parfumé des cheveux d'une vierge,

    Ce réseau qui ceignit le front de Samytha.

     

    Le filet, savamment tissé par ses compagnes,

    A l'odeur du nektar que tu versas jadis,

    O Déesse! en l'azur des célestes montagnes,

    Sur le corps puéril et souple d'Adonis.

     

    Comme le mélilot et l'iris de la berge,

    Ce filet réjouit la claire Aphrodita,

    Car il est parfumé des cheveux d'une vierge,

    Car il ceignit le front doré de Samytha.

     

    Renée Vivien


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  •  

                          Kallô, ayant dessiné une image sur cette

                          planche, l'a offerte à la demeure de la

                          blonde Aphrodita, que cette image représente.

                          Combien elle est doucement  figurée!

                          Vois comme y fleurit la grâce! Réjouis-toi:

                          car elle n'a aucun reproche dans sa vie.

     

    La Déesse a jailli des mains de la mortelle,

    Ressuscitant son rire immortellement clair,

    Plus blanche que l'écume et les embruns, et telle

    Que la virent jadis le soleil et la mer...

    La Déesse a jailli des mains de la mortelle.

     

    Car ainsi la voulut et la rêva Kallô,

    Qui jadis vit monter jusqu'à son apogée

    Hespéros, et plus tard, dans un tremblant halo,

    Le char de Sélanna descendre vers l'Egée;

    La Déesse a fleuri le songe de Kallô.

     

    Les patientes mains qui pétrirent l'argile

    Achevèrent enfin leur labeur triomphal.

    Tu t'échappas, Kupris, dont l'haleine distille

    L'ambre artificiel et le miel végétal,

    Des patientes mains qui pétrirent l'argile.

     

    La statue a surgi de l'ivoire et de l'or...

    Et frissonnants, autour de ta forme divine,

    Les passereaux de l'aube ont pris leur prompt essor.

    L'Aphrodita, debout et chryséléphantine,

    Illumine les flots gris de ses cheveux d'or.

     

    Et les regards levés sur la Déesse nue,

    La vierge est morte, ayant accompli son désir,

    Car les penseurs brûlés de la fièvre inconnue

    Qui réclament le songe impossible à saisir,

    Meurent, les yeux levés sur la Déesse nue.

     

    Renée Vivien


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                                    ... une femme de Locres... enfanta

                                    d'autres (chants) pareils...

     

     

    Moi, la Kitharède de Locres

      Dont la voix triompha,

    Dans le jour de safrans et d'ocres

      Qui trace son alpha,

    Et dans le couchant d'écarlate

    Où l'âme des oeillets éclate

    En véhémences d'aromate,

      Je suis chère à Psappha.

     

    La Prêtresse unique et multiple

      Vint hier me choisir

    Pour amoureuse et pour disciple

      D'angoisse et de plaisir,

    En me disant: "Vers les soirs tièdes,

    Chante à la façon des Aèdes

    La compagne que tu possèdes

      Et qui fut ton désir.

     

    "Dors sur le sein de ta maîtresse,

      Comme moi près d'Atthis,

    Lorsque la Nuit aux yeux bleus tresse

      Ses couronnes d'iris..."

    Par les tremblantes accalmies,

    Ma voix aux craintes raffermies

    Reprend les beaux choeurs des Amies,

      Et mon nom est Nossis.

     

    Renée Vivien


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                                     ... chère aux Muses et à elle aussi...

     

    O Lesbos, je suis chère à Psappha l'Immortelle.

    Elle entend, dans l'Hadès, mes fugaces accords

    Et la vierge de mon désir lui semble belle.

    Elle sourit parmi le nuage des Morts,

    Quand je viens, attisant les tièdes cassolettes,

                    Cueillir ses violettes.

     

    Je t'ai cherchée, ô fleur des Kharites! ô toi

    Qu'on désire à travers les formes adorées,

    Dans le mélos ployé sous une exacte loi

    Et dans les flots sereins d'une mer sans marées,

    Dans le rêve des gris oliviers, dans le chant

                    Funèbre du couchant.

     

    Je n'ai point écouté les faiseurs de mensonges

    Dont le souffle a terni la clarté de ton nom:

    Je suis venue avec mes parfums et mes songes,

    En répandant le lait de la libation,

    Et je t'ai dit: "Voici les roses que je tresse,

                    Et voici ma jeunesse."

     

    Seule dans mon orgueil d'amour, j'ai méprisé

    Les silences amers, les rires et les blâmes,

    Et, pieuse disciple, à ton autel brisé,

    J'ai rallumé l'ardeur expirante des flammes:

    J'ai tissé le fenouil, la rose et le cerfeuil

                    En guirlandes de deuil.

     

    N'as-tu point dis, jadis, devant les cieux d'opales,

    Caressant Eranna courbée à tes genoux,

    Et mêlant tes cheveux noirs à ses cheveux pâles:

    "Quelqu'un, dans l'avenir, se souviendra de nous.

    Les Muses, à qui plaît la voix des amoureuses,

                    Nous firent glorieuses."

     

    Renée Vivien


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