• BONHEUR CREPUSCULAIRE

     

     

    Tes sombres anneaux d'améthyste

    S'animent et tremblent un peu

    Sous la jaune lueur du feu...

    Au dehors la clarté persiste.

     

    Accueillons le songe, donneur

    D'enchantements et de féeries...

    Mêlons nos âmes attendris

    Et parlons de notre bonheur.

     

    Parlons du bonheur, ma très chère,

    Comme l'on parle d'un ami,

    Evoquant, en l'âtre endormi,

    Sa ressemblance familière...

     

    Les choses semblent nous servir

    Dans un empressement docile...

    Chuchotons: "Mon âme tranquille

    N'a plus de rêves d'avenir."

     

    Le bonheur se fait mieux comprendre

    Par les intimités d'hiver,

    Lorsque flotte et pleure dans l'air

    L'âme du crépuscule tendre.

     

    Le bonheur est tissé d'oubli;

    Il ne connaît pas l'espérance;

    Il ressemble à la délivrance

    Après le labeur accompli.

     

    Et c'est le bonheur d'être assises

    Toutes deux, auprès du foyer,

    Et de voir le feu rougeoyer

    En tes calmes prunelles grises.

     

    C'est de taire les vains aveux

    Et d'oublier les autres femmes,

    En regardant luire les flammes

    A travers tes profonds cheveux.

     

    C'est de voir s'embraser l'automne

    Dans l'âtre aux multiples reflets

     Où croulent des tours, des palais,

    Des façades et des colonnes... 

     

    Dans mon cœur qui frissonne un peu,

    Un sanglot d'autrefois persiste...

     Vois comme le bonheur est triste,

    Les soirs d'hivers, auprès du feu... 

     

     

    Renée VIVIEN - A l'Heure des Mains jointes - 1906

     


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