• Epitaphe sur Rhinthon

     

                                    Et, ayant ri aux éclats, tourne-toi vers

                                    moi et dis-moi une parole amicale. Je suis

                                    Rhinthon de Syracuse, chétif rossignol

                                    des Muses, mais des bouffonneries

                                    tragiques nous avons cueilli notre lierre

                                    personnel.

     

    J'ai ployé sous le poids accablant de la lyre,

    Et j'ai pleuré jadis des vers sans lendemain:

    Murmure une parole amicale, et d'un rire

    Réjouis mon silence, et passe ton chemin.

     

    Moi, qui fus un chétif rossignol des Piérides,

    J'ai chanté le printemps au lumineux retour;

    La lune me baigna de ses remous limpides,

    J'ai vécu fervemment mes bleus minuits d'amour.

     

    Je vis blondir Phoibé radieusement nue...

    Aujourd'hui je sommeille aux pieds des aloès

    Et des rudes cactus: et mon ombre inconnue

    Erre dans la forêt muette de l'Hadès.

     

    J'allumai pour l'hymen la torche qui flamboie,

    Mes pampres ont orné le glorieux autel...

    Un peu de cendre obscure... et pourtant de ma joie

    Tragique je cueilli mon lierre personnel...

     

    Renée Vivien


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