• LES ETRES DE LA NUIT

     

    Les êtres de la nuit et les êtres du jour

    Ont longtemps partagé mon âme, tour à tour.

    Les êtres de la nuit m'ont fait craindre le jour.

     

    Car les êtres du jour sont triomphants et libres,

    Nulle secrète horreur ne fait vibrer leurs fibres,

    Ils ont le regard clair de ceux qui naissent libres.

     

    Les êtres de la nuit sont lents, passifs et doux,

    Leur âme est comme un fleuve obscur et sans remous,

    Leurs gestes sont furtifs et leurs rires sont doux.

     

    Mais les êtres du jour ont des prunelles claires,

    De ce bleu que voient seuls les aigles dans leurs aires.

    Le jour fait resplendir ces prunelles trop claires.

     

    Ce sont les yeux aigus des héros et des rois

    Du Nord qu'on entend rire au fond des palais froids,

    Et des reines dont l'âme a dominé les rois.

     

    Les êtres de la nuit sont craintifs, - mais dans l'ombre

    Un phosphore inconnu luit en leur regard sombre:

    Les êtres de la nuit ne vivent que par l'ombre.

     

    Les êtres de la nuit sont faibles et charmants:

    Ils trompent, et ce sont les fugitifs amants,

    Les amantes aux coeurs perfides et charmants.

     

    Ils détournent, dans le baiser, leur froide bouche,

    Et leur pas se dérobe ainsi qu'un vol farouche.

    On ne boit qu'un baiser décevant sur leur bouche.

     

    Il faut craindre l'attrait des êtres de la nuit,

    Car leur corps souple glisse entre les bras et fuit,

    Et leur amour n'est qu'un mensonge dans la nuit.

     

    Renée Vivien


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