• Ode à l'Aphrodita

     

     

    Accueille, immortelle Aphrodita, Déesse,

    Tisseuse de ruse à l'âme d'arc-en-ciel,

    Le frémissement, l'orage et la détresse

                    De mon long appel.

     

    J'ai longtemps rêvé: ne brise pas mon âme

    Parmi la stupeur et l'effroi de l'éveil,

    Blanche Bienheureuse aux paupières de flamme,

                    Aux yeux de soleil.

     

    Jadis, entendant ma triste voix lointaine,

    Tu vins l'écouter dans la paix des couchants

    Où songe la mer, car ta faveur hautaine

                    Couronne les chants.

     

    Je vis le reflet de tes cheveux splendides

    Sur l'or du nuage et la pourpre des eaux,

    Ton char attelé de colombes rapides

                    Et de passereaux.

     

    Et le battement lumineux de leurs ailes

    Jetait des clartés sur le sombre univers,

    Qui resplendissait de lueurs d'asphodèles

                    Et de roux éclairs.

     

    Déchaînant les pleurs et l'angoisse des rires,

    Tu quittas l'aurore immuable des cieux.

    Là-bas surgissait la tempête des lyres

                    Aux sanglots joyeux.

     

    Et toi, souriant de ton divin visage,

    Tu me demandas: "D'où vient l'anxiété

    A ton grave front, et quel désir ravage

                    Ton corps tourmenté?

     

    "Qui te fait souffrir de l'âpre convoitise?

    Et quelle Peithô, plus blonde que le jour

    Aux cheveux d'argent, te trahit et méprise,

                    Psappha, ton amour?

     

    "Tu ne sauras plus les langueurs de l'attente.

    Celle qui te fuit te suivra pas à pas.

    Elle t'ouvrira, comme la Nuit ardente,

                    L'ombre de ses bras.

     

    "Et tremblante ainsi qu'une esclave confuse,

    Offrant des parfums, des présents et des pleurs,

    Elle ira vers toi, la vierge qui refuse

                    Tes fruits et tes fleurs.

     

    "Par un soir brûlant de rubis et d'opales

    Elle te dira des mots las et brisés,

    Et tu connaîtras ses lèvres nuptiales,

                    Pâles de baisers."

     

    Renée Vivien


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :