• Sonnet

     

     

    J'aime la boue humide et triste où se reflète

    Le merveilleux frisson des astres, où le soir

    Revient se contempler ainsi qu'en un miroir

    Qui découvre à demi son image incomplète.

     

    J'aime la boue humide où la Ville inquiète

    Détache ses lueurs, blondes sur un fond noir,

    La Ville qui gémit sous un masque d'espoir

    Parmi le vin, les chants et les cris de la fête.

     

    Elle endure la foule aux pieds traînant et las.

    Elle subit l'empreinte anonyme des pas:

    Saignante, elle croupit sur la route inféconde.

     

    Mais elle est l'Avenir des moissons, et les pleurs

    Du printemps en feraient une terre profonde,

    D'où jaillirait la grâce irréelle des fleurs.

     

    Renée Vivien


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