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Le soir, doux berger, développe
Son rustique solo...
Je mâche un brin d'héliotrope
Comme Fra Diavolo.
La nuit latente fume, et cuve
Des cendres, tel un noir Vésuve,
Voilant d'une vapeur d'étuve
La lune au blanc halo.
Je suis la fervente disciple
De la mer et du soir.
La luxure unique et multiple
Se mire à mon miroir...
Mon visage de clown me navre.
Je cherche ton lit de cadavre
Ainsi que le calme d'un havre,
O mon beau Désespoir!
Ah! la froideur de tes mains jointes
Sous le marbre et le stuc
Et sous le poids des terres ointes
De parfum et de suc!
Mon âme, que l'angoisse exalte,
Vient, en pleurant, faire une halte
Devant ces parois de basalte
Aux bleus de viaduc.
Lorsque l'analyse compulse
Les nuits, gouffre béant,
Dans ma révolte se convulse
La fureur d'un géant.
Et, lasse de la beauté fourbe,
De la joie où l'esprit s'embourbe,
Je me détourne et je me courbe
Sur ton vitreux néant.
Renée Vivien
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Le soir, ouvrant au vent ses ailes de phalène,
Evoque un souvenir fragilement rosé,
Le souvenir, touchant comme un Saxe brisé,
De ta naïveté fraîche de porcelaine.
Notre chambre d'hier, où meurt la marjolaine,
N'aura plus ton regard plein de ciel ardoisé,
Ni ton étonnement puéril et rusé...
O frissons de ta nuque où brûlait mon haleine!
Et mon coeur, dont la paix ne craint plus ton retour,
Ne sanglotera plus son misérable amour,
Frêle apparition que le silence éveille!
Loin du sincère avril de venins et de miels,
Tu souris, m'apportant les fleurs de ta corbeille,
Fleurs précieuses des champs artificiels.
Renée Vivien
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Quittons la léthargie heureuse des maisons,
Le carmin des rosiers et le parfum des pommes
Et les vergers où meurt l'ondoiement des saisons,
Car nous ne sommes plus de la race des hommes.
Nous irons sous les ifs où s'attarde la nuit,
Où le souffle des Morts vole, comme une flamme.
Nous cueillerons les fleurs qui se fanent sans fruit,
Et les âcres printemps nous mordront jusqu'à l'âme.
Viens: nous écouterons, dans un silence amer,
Parmi les chuchotis du vêpre à l'aile brune,
Le rire de la Lune éprise de la Mer,
Le sanglot de la Mer éprise de la Lune.
Tes cheveux livreront leurs éclairs bleus et roux
Au râle impérieux qui sourd de la tourmente,
Mais l'horreur d'être ne ploiera point nos genoux.
Dans nos yeux le regard des Succubes fermente.
Les hommes ne verront nos ombres sur leurs seuils
Qu'aux heures où, mêlant l'ardeur de nos deux haines,
Nous serons les Banshees qui présagent les deuils
Et les Jettatori des naissances prochaines.
Nos corps insexués s'uniront dans l'effort
Des soupirs, et les pleurs brûleront nos prunelles.
Nous considérerons la splendeur de la Mort
Et la stérilité des choses éternelles.
Renée Vivien
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La nuit des vergers bleus d'acanthes,
Des jardins pourpres d'aloès,
Attend l'Evohé des Bacchantes
Et les mystères de Cérès.
Dans le temple aux flammes païennes,
Le soir, accroupi comme un sphinx,
Contemple les Musiciennes,
Evocatrices de Syrinx.
Une étrange et pâle prêtresse,
Délaissant l'autel de Vénus,
Apporte à la Bonne Déesse
Les daturas et les lotus.
Car la blonde enlace la brune,
Et les servantes d'Ashtaroth,
Aux vêtements de clair de lune,
Te narguent, Deus Sabaoth.
Les nonnes et les courtisanes,
Mêlant la belladone au lys,
Chantent les Te Deum profanes
Et les joyeux De profundis.
Renée Vivien
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