-
Aimez-vous, Femmes, comme nous:
Eranna revit, elle est là,
Mon nom est Sapho ou Psappha
Et je suis revenue pour vous.
Aimez-vous, Femmes, tendrement
Et de toute votre douceur...
Femmes, aimez-les, à toute heure,
En prenant bien tout votre temps.
Je suis revenue sur la terre,
Avec Pauline à mes côtés,
Tout simplement pour vous aider,
Suivant l'une de vos prières.
Ainsi je montrerai au monde
Ce qu'il ose faire des femmes,
Toutes ses tortures infâmes,
D'autres actions non moins immondes.
Je démontrerai, dans ma flamme,
L'idiotie de certaines lois...
Comme si nous n'avions pas droit
De nous aimer même entre femmes!
Nous qui sommes en plus grand nombre,
C'est désolant que, de nos jours,
Nous ne puissions, par nos amours,
Ne vivre vraiment que dans l'ombre.
Reconstruisons notre Lesbos.
Eranna-Pauline est ma Reine,
Que chacune amène la sienne.
Que notre Palais se ré-hausse!
Que revive ainsi Mytilène,
Et que renaisse l'amour pur
Dans le violet de l'azur,
Afin que toutes se souviennent
Combien la vie peut être douce
Quand on veut bien être soi-même
Auprès de celle que l'on aime,
Fuyant ceux que cela courrouce.
Femmes, relevez votre front,
Osons, si ce n'est déjà fait:
Que pour nous toutes désormais
S'achève le temps des affronts.
Aimez-vous, Femmes, comme nous:
Pauline revit, elle est là,
Et mon nom à moi est Psappha.
Nous sommes revenues pour vous.
L.
votre commentaire -
Ma brune aux yeux dorés, ton corps d'ivoire et d'ambre
A laissé des reflets lumineux dans la chambre
Au-dessus du jardin.
Le ciel clair de minuit, sous mes paupières closes,
Rayonne encor... Je suis ivre de tant de roses
Plus rouges que le vin.
Délaissant leur jardin, les roses m'ont suivie...
Je bois leur souffle bref, je respire leur vie.
Toutes, elles sont là.
C'est le miracle... Les étoiles sont entrées,
Hâtives, à travers les vitres éventrées
Dont l'or fondu coula.
Maintenant, parmi les roses et les étoiles,
Te voici dans ma chambre, abandonnant tes voiles,
Et ta nudité luit.
Sur mes yeux s'est posé ton regard indicible...
Sans astres et sans fleurs, je rêve l'impossible
Dans le froid de la nuit.
Renée Vivien - Flambeaux Eteints - 1909
votre commentaire -
C'est moi qui, à mon tour, demande l'impossible
Te suppliant d'exaucer nos vœux indicibles,
Sans fin te suppliant.
J'implorerai le ciel s'il le faut à genoux
Pour que tu reviennes me reparler de nous
Jusqu'à la fin des temps.
Je sais que tu es là, je ressens ta présence,
Je peux détecter de ton parfum la fragrance,
Je te sens me toucher,
Et nous dialoguons même à travers mon esprit,
Ecrivons ensemble... Je te rejoins la nuit
Mais sans m'en rappeler.
Regarder ton visage et entendre ta voix,
Te dire infiniment que je suis toute à toi,
Voilà ce que je veux...
Te dire et te donner la preuve que je t'aime...
Mieux que je ne le fais ici dans ce poème
Dans un dernier aveu...
L.
votre commentaire -
Mes yeux, par trop charmés, ne se lassent jamais
De contempler sans fin ton visage et ta grâce...
Faîtes que jamais plus, mon Dieu, ne s'efface
Cette image sacrée de celle que j'aimais!
L'aube d'un jour prochain, je reviendrai vers elle,
Et très exactement comme elle me le fit:
Je lui apparaîtrai, au plein cœur de la nuit,
A celle que j'aime, qui m'aime et qui m'appelle.
Amoureuse de moi, cette femme m'attend,
Dans sa très discrète et belle féminité...
Elle est mon âme sœur et elle est mon printemps.
Autant férue que toi de nos attouchements,
Un jour je reviendrai, je t'en fais le serment,
Et nous nous aimerons, toute l'éternité...
Pauline M. TARN - Nous!... Inouï...! - 2001
votre commentaire -
Le couchant répandra la neige des opales,
Et l'air sera chargé d'odeurs orientales.
Les caïques furtifs jetteront leur éclair
De poissons argentins qui traversent la mer.
Ce sera le hasard qu'on aime et qu'on redoute...
A pas lents, mon destin marchera sur la route.
Je le reconnaîtrai parmi les inconnus
Malgré les ciels changés et les temps survenus...
Mon cœur palpitera, comme vibre une flamme...
Et mon destin aura la forme d'une femme,
Et mon destin aura de profonds cheveux bleus...
Il sera le fantasque et le miraculeux.
Involontairement, comme lorsque l'on pleure,
Je me répèterai: "Toute femme a son heure:
"Aucune ne sera pareille à celle-ci:
Nul être n'attendra ce que j'attends ici."
Celle qui brillera dans l'ombre solitaire
M'emmènera vers le domaine du mystère.
Près d'elle, j'entrerai, pâle autant qu'Aladin,
Dans un prestigieux et terrible jardin.
Mon cher destin, avec des lenteurs attendries,
Détachera pour moi des fruits de pierreries.
Je passerai, parmi le féerique décor,
Impassible devant les arbres aux troncs d'or.
Et je mépriserai le soleil et la lune
Et les astres en fleur, pour cette femme brune.
Ses yeux seront l'abîme où sombre l'univers
Et ses cheveux seront la nuit où je me perds.
A ses pieds nus, pleurant d'extases infinies,
Je laisserai tomber la lampe des génies...
Renée VIVIEN - A l'Heure des Mains jointes - 1906
votre commentaire