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                                 ... appelant l'âme chère de Philainis qui,

                                 avant le mariage, marcha vers l'onde verte

                                 du fleuve de l'Achéron.

     

     

    La vierge Philainis traversa les Eaux vertes

    De l'Achéron, sans voir les flambeaux de l'hymen,

    Et les lys sont tombés d'entre ses mains ouvertes.

    Sur la stèle de deuil pleure le cyclamen.

    Avant de voir brûler les flambeaux de l'hymen,

    La vierge Philainis traversa les Eaux vertes.

     

    Dans les prés où la lune efface le soleil,

    La vierge Philainis tresse les asphodèles.

    Perséphona, fermant les yeux noirs du sommeil,

    Rouit le lin parmi ses compagnes fidèles,

    Et parfois, en rêvant, cueille les asphodèles

    Dans les prés où la lune efface le soleil.

     

    Renée Vivien


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                                    A. - Pourquoi, ô Pan agreste, assis

                                    près de la fontaine où vont les brebis,

                                    joues-tu de ce chalumeau harmonieux?

     

                                    B. - Afin que sur ces monts couverts

                                    de rosée les génisses paissent,

                                    broutant les épis à la belle chevelure.

     

     

                                    A

     

    Tu respires l'odeur de l'herbe et de la terre,

    Et ta flûte s'exhale en des frissons légers...

    Pan rustique, pourquoi demeurer solitaire,

    Assis dans le bois sombre à l'écart des bergers?

     

                                    B

     

    Je taille les pipeaux où traîneront mes lèvres,

    Moi, dieu de l'hyacinthe et de l'épi barbu...

    Et mes simples chansons attireront les chèvres

    Vers l'ombre et la rosée où les nymphes ont bu.

     

    Renée Vivien


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                                Jamais plus, réjoui des ondes propres

                                à la navigation, je ne lancerai mon cou,

                                bondissant du fond de l'eau, ni je ne

                                soufflerai avec force de mes belles lèvres

                                le long des tolets du navire, charmé de mon

                                torse. Mais la fraîcheur empourprée de la

                                mer m'a poussé sur la terre ferme, et je

                                gis sur ce rivage délicat.

     

    Le souffle de la mer, adouci par le soir,

    Ne réjouira plus mes lèvres et mes joues,

    Et je ne verrai plus, le long des belles proues,

    Mon image, comme en le métal d'un miroir.

     

    Je ne monterai plus des profondeurs marines,

    Je ne m'ébrouerai plus au soleil du matin,

    Je ne me plairai plus au sourire enfantin

    De l'aurore, jouant avec ses cornalines.

     

    O passant, j'ai quitté le transparent émail

    Des flots, où le vent pleure en d'étranges syllabes,

    Où grouille obscurément la détresse des crabes,

    A travers le soir gris que bleuit le corail.

     

    Car le bondissement des courants implacables

    M'a jeté sur la rive aux longs varechs flottants.

    Voici la Mort au front paré d'algues, - j'attends,

    Hors d'haleine et couché sur le velours des sables.

     

    Renée Vivien


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                                    Sois placée sous le portique d'or de

                                    l'Aphrodita, ô grappe, pleine de la sève

                                    de Dionysos: ta mère, t'ayant fait naître

                                    sur le sarment aimable, ne produira plus

                                    sur ta tête sa feuille de nektar.

     

    O grappe, que l'ardeur des soirs ensanglanta

    De chauds reflets, repose en ta pourpre moirée,

    Sous le portique d'or de la Maison sacrée

    Où, les yeux triomphants, règne l'Aphrodita.

     

    Tu bleuissais parmi les fauves chevelures

    Des Bacchantes, ô grappe à l'haleine de miel,

    Par les soirs opulents, où la terre et le ciel

    N'étaient plus qu'un verger bourdonnant de murmures.

     

    La vigne, qui berçait ton odorant sommeil,

    Ne te courbera plus sous l'étreinte des vrilles,

    Et tu n'offriras plus aux brunes jeunes filles

    Ta coupe où débordait la sève du soleil.

     

    Renée Vivien


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