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                                    Nymphes de l'Anigros, vierges du

                                    fleuve, qui, divines, foulez constamment

                                    ces profondeurs de vos pieds de rose,

                                    réjouissez-vous et soyez favorables à

                                    Kléonumos, qui vous éleva sous les pins,

                                    ô Déesses, ces belles statues de bois.

     

    Vierges de l'Anigros, nymphes aux pieds de rose,

    Vous, dont la forme ondoie au gré du flot changeant,

    Et qui faites briller les écailles d'argent

    Des lumineux poissons, nymphes aux pieds de rose,

     

    Venez, vous qui riez à travers les roseaux!

    Car, sous les pins taillés comme une vigne enclose,

    Votre image sculptée a réjoui les eaux,

    O nymphes qui riez à travers les roseaux!

     

    Renée Vivien


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    Tu goûtas l'amour sous l'érable

                    Qu'un soir fana,

    A très antique, ô vénérable

                    Charixéna.

     

    Ta flûte murmura ses peines,

                    Et résonna

    Comme la brise dans les chênes,

                    Charixéna.

     

    L'ombre, sur ton épaule nue

                    Qui frissonna,

    Apportait la fièvre inconnue,

                    Charixéna.

     

    Ta bouche de Musicienne

                    S'abandonna

    Dans l'ardeur d'une nuit ancienne,

                    Charixéna.

     

    Renée Vivien


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    Quand, d'un geste, le soir fait taire

      La flûte et la syrinx,

    Tu sais embrumer de mystère

      Tes prunelles de lynx.

    Tandis que la ténèbre englobe

    Les plis fugitifs de ta robe,

    L'énigme prompte se dérobe

      Sur tes lèvres de sphinx.

     

    L'ombre fait vaciller la flamme

      De tes yeux d'un bleu noir.

    Ta voix où s'attendrit ton âme,

      Vague comme l'espoir,

    Et qui pactise avec la rude

    Et pitoyable solitude,

    Sait imiter l'incertitude

      De la mer et du soir.

     

    Renée Vivien


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    J'ai puérilisé mon coeur dans l'innocence

    De notre amour, éveil de calice enchanté.

    Dans les jardins où se parfume le silence,

    Où le rire fêlé retrouve l'innocence,

    Ma Douce! je t'adore avec simplicité.

     

    Tes doigts se sont noués autour de mon coeur rude.

    En un balbutiement pareil au cri naïf

    De l'inexpérience et de la gratitude,

    Je te dirai comment, lasse de la mer rude,

    Je bénis l'ancre au port où s'amarre l'esquif.

     

    Tes cheveux et ta voix et tes bras m'ont guérie.

    J'ai dépouillé la crainte et le furtif soupçon

    Et l'artificiel et la bizarrerie.

    J'abrite ainsi mon coeur de malade guérie

    Sous le toit amical de la bonne maison.

     

    J'ai la sécurité pourtant un peu tremblante

    De celles dont les yeux, d'avoir pleuré, sont lourds,

    Et je me réjouis de l'herbe et de la plante

    Dans ces jardins aux bleus midis, - un peu tremblante

    D'avoir trop redouté l'aspect des mauvais jours.

     

    A l'heure sororale et douce des mains jointes,

    J'ai contemplé, sereine, un visage effacé,

    Tels les convalescents aux fraîches courtepointes,

    La fièvre disparue... A l'heure des mains jointes,

    Je t'ai donné les derniers lys de mon passé.

     

    Renée Vivien


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