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Un genou à terre et une rose à la main,
J'étais là devant elle, et, vrai, je vous assure
Que, de prime abord, mes intentions étaient pures...
Mais mon visage était à hauteur de ses reins.
Portait-elle une robe de soie et d'azur?
La brise m'apportait leurs ondes caressantes...
J'avais fermé les yeux, mais l'occasion, tentante,
Dans mon coeur troublé, ravivait une blessure.
Une émotion m'a prise soudain, suffocante,
Tandis que son parfum s'exhalait jusqu'à moi
Et n'ai pu résister, dans ce trop plein d'émoi,
A replonger mon nez dans sa robe odorante.
Je n'aurais pu lutter longtemps, quoi qu'il en soit.
Mon âme divaguait, et j'eus cette envie folle,
Ne pouvant prononcer plus aucune parole,
De tout oser, vraiment, de vouloir tout de toi.
Laissant tomber la fleur aussitôt sur le sol,
Très doucement, toutes pleines de précaution
Mes mains ont commencé une lente ascension,
Jusqu'à atteindre d'une autre fleur la corolle...
Et je comprends bien mieux que le Ciel ait raison
De ne jamais l'autoriser à m'apparaître,
Pour avoir admis que, dans la fond de mon être,
Je ne pourrais lutter contre la tentation.
De la toucher et d'espérer l'aimer, peut-être,
Cette envie me tient trop, malgré tous mes efforts.
En vérité, je veux aussi aimer son corps.
Puisse le Ciel, un jour, à nouveau le permettre.
Aurais-je eu tord jadis? Jadis aurais-je eu tord
D'avoir forcé les choses, contre son destin,
Et de l'avoir aimée jusqu'au petit matin
Cette fameuse nuit, et d'autres nuits encore?
L.
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Quand fauchée à la fleur de l'âge,
- Nous ne sommes que de passage -
Tu remontas dans les nuages
En me laissant dans mon veuvage,
Eranna, ma Femme-enfant sage,
En me causant bien du dommage,
Si j'ai bien compris le message
Qui n'est rien là qu'un témoignage,
Moi Psappha, pour te rendre hommage,
Dans mon endeuillant paysage,
Sur un roc au bord du rivage,
Le plus élevé de la plage,
Et des larmes plein le visage,
J'ai plongé dans les flots sauvages
Et raté mon atterrissage...
Telle fut ma dernière image.
Je l'avoue ici sans ambages
Et n'en dirais pas davantage.
L.
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La revoir au piano revivre sa musique,
L'écouter sans bouger, tendrement nostalgique.
Contempler ses deux mains, si longues, qui effleurent
Les notes, comme si elle cueillait des fleurs
Ou qu'elle s'apprêtait à caresser, encore,
Dans la même émotion, les formes de mon corps.
Elle est, à son piano, et les paupières closes...
C'est, à la regarder, plus qu'une apothéose.
La voir à son piano et, religieusement,
Rêver à ce baiser de ses lèvres d'amant...
Rêver de sa douceur, pleine de romantisme,
Rêver que je l'attends sous l'arc-en-ciel du prisme...
Et de tant en rêver, assise à son piano,
Moi-même l'écoutant, pour repasser l'anneau
Et nous offrir ainsi une autre nuit de noces,
S'unirent nos deux âmes afin que s'exaucent
Ce voeux que, l'une à l'autre, nous nous sommes fait
De n'être jamais plus séparées, plus jamais!
Et de tant en rêver, là, au plus haut des nues,
La larme au coin de l'oeil quand je l'ai mise nue,
Tandis qu'elle jouait du piano dans l'éther
Illuminée, dans une si douce atmosphère,
Et que j'étais venue m'asseoir à côté d'elle,
Qu'un désir trop brûlant éclairait ma prunelle
Me donnant l'envie de lui rendre sa tendresse
Et d'en faire à jamais mon ultime maîtresse.
L.
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Je suis Psappha, l'indisciplinée, la rebelle,
J'ai refusé certaines des terrestres lois
Et je viens aujourd'hui vous expliquer pourquoi,
Moi, qui couche toujours avec une Immortelle.
Les seules et vraies lois sont celles de l'Astral.
De vos lois, de vos règles, je n'ai rien appris,
Elles n'ont jamais eu à mes yeux aucun prix,
Car les hommes les utilisent pour le mal.
Jusqu'aux livres sacrés qui ont été traduis
Par des hommes, qui ont détourné sans remord
La parole de Dieu, vraiment! c'est un peu fort!
A leur avantage, dans un acte gratuit.
En combattant le mal et luttant pour le bien,
Je suis Psappha, femme homosexuelle et poète.
Que cela plaise ou non, je n'en fais qu'à ma tête,
Je suis ce que je veux, et n'en changerai rien.
En demandant pardon à tous les animaux,
Je vous confirme qu'en grande majorité
Les femmes sont des êtres bien plus évolués
Que les hommes, qui sont pires que des bestiaux.
D'ailleurs ce sont toujours des hommes qui détruisent,
Si vous regardez mieux, dans tout ce qui se passe
Sur cette pauvre terre, où les femmes hélas
Restent bien trop souvent si bêtement soumises.
L.
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L'ombre jetait vers toi des effluves d'angoisse:
Le silence devint amoureux et troublant.
J'entendis un soupir de pétales qu'on froisse,
Puis, lys entre les lys, m'apparut ton corps blanc.
J'eus soudain le mépris de ma lèvre grossière...
Mon âme fit se rêve attendri de poser
Sur ta grâce où longtemps s'attardait la lumière
Le souffle frissonnant d'un mystique baiser.
Dédaignant l'univers que le désir enchaîne,
Tu gardas froidement ton sourire immortel,
Car la Beauté demeure étrange et surhumaine
Et veut l'éloignement splendide de l'autel.
Eparse autour de toi pleurait la tubéreuse,
Tes seins se dressaient fiers de leur virginité...
Dans mes regards brûlait l'extase douloureuse
Qui nous étreint au seuil de la divinité.
Renée VIVIEN - Etudes et Préludes - 1901
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