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    Viens et emporte-moi comme une enfant fragile...

    Eloignons-nous enfin de cette terre hostile,

     

    Où le mal, dans le moindre coin d'ombre, se cache

    Et où les femmes n'ont le droit qu'aux basses tâches.

     

    Nous oublierons l'horreur, loin de ce monde infâme

    Qui nous interdisait de s'aimer entre femmes.

     

    Le ciel ne considère pas comme un blasphème

    Ni s'offense de voir que toutes deux l'on s'aime...

     

    Nous aurait-il permis sinon que d'être ensemble,

    Et nous serions séparées, à ce qu'il me semble...?

     

    Aussi, emmène-moi dans tes bras protecteurs,

    Vers un plus agréable et accueillant secteur.

     

    Allons, veux-tu, vers ce royaume des poètes

    Où, à t'entendre dire, tout est une fête,

     

    Où les jardins sont beaux, où la musique vibre,

    Où nous serons enfin, ma Douce, heureuses, libres...

     

    L.


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    J'aspire auprès de toi le silence et le charme

    Des nuits où la douleur se plaît à demeurer,

    Toi qu'on ne voit jamais essuyer une larme,

    Mais dont parfois j'entends la grande âme pleurer.

     

    Le miroir réfléchit tes chastes attitudes,

    Et tu fuis le factice et le faste et le fard.

    Tes lèvres ont gardé le pli des solitudes

    Et l'accent des bonheurs qui nous viennent trop tard.

     

    Le décor de ton deuil est la chambre sereine

    Où meurt languissamment le bruit lointain des eaux.

    Les souffles de la mer n'ont soulevé qu'à peine

    Le soir perpétuel sous l'ombre des rideaux.

     

    Vers toi le songe pur de mon âme s'élève,

    Mon angoisse ne cherche point à s'apaiser,

    Car tu m'es inconnue et n'existes qu'en rêve.

    C'est pourquoi je t'adore au-dessus du baiser.

     

     

    Renée VIVIEN - Evocations - 1903 


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    Le décor de ton deuil, s'il était autrefois

    Une chambre trop sombre où se mourraient nos lys,

    Aujourd'hui il n'est que lumière, amour et foi.

    Te rejoindre sera pour moi un vrai délice.

     

    Des dizaines d'années, il me faudra attendre

    Pour avoir le droit de te retrouver vraiment,

    Que je t'aime ô ma douce amie, ô ma très tendre,

    Et j'ai hâte que ce jour arrive à présent.

     

    J'aspire auprès de toi à la sérénité,

    Et être, à nouveau, envahie de ta tendresse,

    De ton amour, jusqu'au bout de l'éternité,

    Et succomber sous tes doux baisers, tes caresses.

     

    Vers toi, mon Adorée, s'élève mon esprit,

    Je te suivrai partout et en toute confiance,

    Accompagnant ton cœur dont mon cœur est éprit,

    Cette fois, si possible, en mon âme et conscience.

     

    L.


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    Des parfums de cytise ont amolli la brise

    Et l'on s'attriste, errant sous le ciel transparent...

    Le soleil agonise... Et voici l'heure exquise...

    Dans le soir odorant, l'on s'attarde en pleurant...

     

    Tu reviens, frêle et rousse, ô ma belle! ô ma douce!...

    Comme en rêve, je vois tes yeux lointains et froids,

    Telle une eau sans secousse où le regret s'émousse...

    Sous leur regard, je crois revivre l'autrefois.

     

    O chère ombre! moi-même ai brisé mon poème...

    Je ne dois plus te voir, dans le calme du soir...

    Regarde mon front blême et sens combien je t'aime...

    L'ombre, doux voile noir, couvre mon désespoir...

     

    Un rose inexprimable a fleuri sur le sable,

    Et tandis qu'alentour se fane le beau jour

    Je pleurerai, semblable à ceux que l'heure accable:

    "Seul n'a point de retour l'impatient amour..."

     

     

    Renée VIVIEN - A l'Heure des Mains jointes - 1906


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    Dans la même impatience aussi de te revoir,

    Baladée entre espoir, doute ou parfois souffrance,

    Je t'attendrai ce soir, et pleure quand j'y pense.

    Aurai-je ou non la chance de t'apercevoir?

     

    Je dépose à mon tour ici même à tes pieds,

    Tel un tendre baiser sur tes lèvres velours,

    Pour toi ô mon aimée, même si c'est un four,

    Ce poème d'amour aux rimes embrassées.

     

    Si ton poème à toi fut écrit comme un jeu,

    Amusons-nous un peu, au moins pour une fois,

    En nous souvenant de nos divins autrefois.

    Pour peu que l'heure soit plus propice aux aveux,

     

    Je t'aurais, à genoux, en te baisant les mains,

    Et pour t'entendre enfin me reparler de nous,

    Sans attendre demain, avoué mon rêve fou.

    Je te donnerai tout de moi si tu y tiens.

     

    L.


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