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    Notre coeur est semblable en notre sein de femme,

    Très chère! Notre corps est pareillement fait.

    Un même destin lourd a pesé sur notre âme,

    Nous nous aimons et nous sommes l'hymne parfait.

     

    Je traduis ton sourire et l'ombre sur ta face.

    Ma douceur est égale à ta grande douceur,

    Parfois même il nous semble être de même race...

    J'aime en toi mon enfant, mon amie et ma soeur.

     

    Comme toi j'aime l'eau solitaire, la brise,

    Les lointains, le silence et le beau violet...

    Par la force de mon amour, je t'ai comprise:

    Je sais exactement quelle chose te plaît.

     

    Voici, je suis plus que tienne, je suis toi-même.

    Tu n'as point de tourment qui ne soit mon souci...

    Et que pourrais-tu donc aimer que moi je n'aime?

    Et que penserais-tu que je ne pense aussi?

     

    Notre amour participe aux choses infinies,

    Absolu comme sont la mort et la beauté...

    Voici, nos coeurs sont joints et nos mains sont unies

    Fermement dans l'espace et dans l'éternité.

     

    Renée Vivien


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    Je subis la langueur du jour déjà pâli...

    Je suis très lasse, et je ne veux plus que l'oubli.

     

    Si l'on parle de moi, l'on mentira sans doute.

    Et mes pieds ont été déchirés par la route.

     

    Certes, on doit trouver plus loin des cieux meilleurs,

    Des visages plus doux... Je veux aller ailleurs...

     

    Je vous l'ai dit, je suis affaiblie et très lasse...

    Tel le dernier rayon du soir dernier s'efface...

     

    Ma douleur m'apparaît très lourde et très légère.

    Oubliez-moi qui suis une âme passagère.

     

    Je suis venue ici, je ne sais pas pourquoi,

    Et j'ai vu des passants se détourner de moi.

     

    Sans vous comprendre et sans que vous m'ayez comprise,

    J'ai passé parmi vous, noire dans l'ombre grise.

     

    Sans hâte et sans effroi, je rentre dans la nuit...

    Avec tout ce qui glisse, avec tout ce qui fuit.

     

    Je pars comme on retourne, allégée et ravie

    De pardonner enfin à l'amour et la vie.

     

    Renée Vivien


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    Le regard clair et la voix limpides, j'entame

    Un hymne triomphal à ma Divinité,

    A l'Amour parfois doux et souvent irrité,

    Car, en ce jour, je me réjouis d'être femme!

     

    Et loué soit le sort en ses obscurs desseins

    De ceci: que nos coeurs sont pareils, ma maîtresse!

    Car nous aimons la grâce et la délicatesse,

    Et ma possession ne meurtrit pas tes seins...

     

    Malgré la véhémence agressive et farouche

    De tout désir, et sa latente cruauté

    Qui m'attire vers les replis de la beauté,

    Ma bouche ne saurait mordre âprement ta bouche.

     

    Je crois n'avoir jamais pu te blesser, ainsi

    T'aimant, ni dans ton coeur ni même en mes pensées,

    Moi qui n'ai su rythmer les strophes cadencées

    Que pour te plaire, ô mon cher et cruel souci!

     

    Renée Vivien


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    Mon vieil ami le vent, entre dans ma demeure

    Et joint ta voix à ma voix lamentable et pleure...

    Pleurons le jour, pleurons le soir, pleurons la nuit.

     

    Pleurons avec la voix des femmes malheureuses

    Sur la jeunesse morte et sur l'amour qui fuit

    Malgré les bras tendus des tristes amoureuses.

     

    Pleurons les jougs mauvais qui pèsent sur les fronts

    Et sur tous et sur tout, ô mon ami, pleurons!

    Pleurons le sort mauvais des êtres et des choses.

     

    Plaignons les yeux que nul rayon d'or ne ravit,

    Les vieux livres brûlés, la lente mort des roses...

    O vent, mon cher ami, plaignons tout ce qui vit!

     

    Qu'on s'éloigne de la grand'salle où l'ombre flotte,

    Et que nul ne m'entende, alors que je sanglote

    Ainsi que fait le vent, dans les coins endormis.

     

    Et le chêne s'écroule au loin, la vitre tremble...

    Nous nous aimons et nous sommes de vieux amis,

                    Car nous pleurons ensemble.

     

    Renée Vivien


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    Vous avez entr'ouvert vos lèvres cette nuit

    Et j'ai cru que c'était pour des paroles basses,

    Mais vous avez laissé retomber vos mains lasses...

    Vous avez soupiré, c'était à peine un bruit.

     

    Moi je vous regardais, je regardais cet ambre

    Rouge et cet or profond que sont vos doux cheveux...

    Je tenais dans mes mains le plus cher de mes voeux,

    L'Amour lui-même était présent dans notre chambre.

     

    Je ne m'endormais plus pour voir votre sommeil

    Semblable au rocher calme où le vent dur s'émousse...

    Dans l'émerveillement d'une nuit aussi douce,

    J'ai cru que jamais ne renaîtrait le soleil.

     

    J'aurais parlé, mais vous vous êtes retournée,

    Car le sommeil s'était emparé de vos yeux,

    Vous dormiez, bienheureuse à la façon des Dieux,

    Et vous ne m'aimiez plus... J'étais abandonnée...

     

    Renée Vivien


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